Quand le livre Solitude armée est arrivé sur mon bureau, j'avoue avoir eu un peu peur. Un roman pour adolescent traitant d'une fusillade dans une école, ce n'est pas fréquent. Encore moins quand l'action se passe au Québec et est très réaliste. Ma lecture a toutefois été agréable (enfin, dans les circonstances) et j'ai eu envie d'en apprendre plus sur Marilou Addison, l'auteure derrière ce récit-choc. Voici donc notre entretien !
Vous avez déjà écrit plusieurs livres pour les enfants plus jeunes. Qu’est-ce qui vous a amené à écrire pour les adolescents?
J’ai toujours cru que je n’avais pas le talent pour écrire un roman pour adolescents. Mais un jour, j’ai participé à un recueil de nouvelles pour ados et voilà que je me suis découvert un intérêt (et un talent, oui, oui) pour écrire à ce public en particulier. Je crois qu’en vieillissant, j’ai acquis le recul nécessaire. Auparavant, j’étais encore trop près de mon adolescence pour vraiment avoir le détachement et la compréhension face aux problèmes que vivent les jeunes.
Qu’est-ce qui vous a amené à aborder un sujet aussi dur que celui de la violence extrême à l’école?
L’intimidation que subissent certains jeunes me touche beaucoup. Je connais personnellement des enfants du primaire qui vivent des situations difficiles. Alors qu’est-ce que ce doit être au secondaire !!! De plus, j’ai voulu que le lecteur se mette dans la tête d’un adolescent qui commence à se défendre, à rendre coup sur coup et qui dépasse carrément les limites.
Avez-vous fait des recherches sur les différentes tueries que vous mentionnez à la fin de votre roman?
Oui, j’ai fait des recherches sur ce qui poussait les jeunes et les moins jeunes à passer à l’acte. Mais il existe un blanc, à ce niveau-là. C’est-à-dire que personne ne peut réellement comprendre ce qui se passe dans leur tête, pour qu’ils en viennent à de tels gestes extrêmes. On les prend un peu pour des désaxés, des gens antisociaux. De mon côté, je crois plutôt que dans certains cas, nous avons tous une part de responsabilité… Et qu’il est bon de se poser ce genre de questions. J’ai profité de mes recherches pour faire une liste des tueries, à travers le monde, mais seulement depuis l’automne dernier, un tas de nouveaux événements du genre ont été recensés. Ce phénomène (horrible) est malheureusement en expansion dans le monde.
Aviez-vous fait un plan avant d’écrire le roman? Êtes-vous surprise de là où votre écriture vous a amenée?
Je n’avais pas réellement fait un plan (je n’en fais pratiquement jamais). Par contre, je savais très bien comment se terminait mon histoire. Il s’agissait plutôt de trouver le moyen de mener mon personnage à cette finale…
D’où est venue l’idée d’Antoine et du Bunker?
Antoine est un personnage qui a changé, au fur et à mesure de l’écriture de mon roman. Au départ, il s’agissait surtout de trouver un endroit où Justin pourrait souffler un peu, sans se sentir juger et harceler par un peu tout le monde. Puis, ce groupe a pris de plus en plus de place dans mon histoire, jusqu’à celle que l’on retrouve dans le récit. J’ai à peine effleuré le personnage d’Antoine, car l’histoire est décrite selon le regard de Justin, qui a une façon bien à lui de comprendre le monde qui l’entoure.
Et celle de Mélina? Pourquoi avoir choisi de la créer elle aussi tourmentée?
Pour Mélina aussi, il s’agissait de la décrire à travers les yeux de Justin. Il ne comprend pas toujours ce qui se passe dans sa tête à elle. Il demeure un adolescent qui ne connait pas toutes les subtilités d’une relation amoureuse. La correctrice de mon roman me disait d’ailleurs qu’il serait intéressant d’écrire un second roman, dans la tête de Mélina, pour voir de quelle façon elle a pu voir les choses. Ce qui la poussait à aller vers Justin. Bref, sa vision à elle. Cette idée me trotte dans la tête et il se pourrait que le projet voit le jour dans les prochains mois…
Comment êtes-vous arrivée à vous plonger dans l’esprit d’un Justin? Est-ce dur émotionnellement de se mettre à la place d’un jeune si tourmenté?
Tout le défi du personnage de Justin tenait au fait qu’il devait être sympathique au lecteur, d’une certaine façon, mais en même temps, je ne voulais pas que les jeunes le prennent comme modèle ou soient le moindrement d’accord avec ses actes. J’ai donc essayé de montrer toute l’étendue de sa détresse, pour que nous puissions comprendre comment il en arrive à poser de tels gestes.
Est-ce que vous vous êtes autocensurée durant l'écriture? Est-ce que la maison d'édition vous a demandé de revoir certaines parties plus violentes?
Non, je ne me suis pas autocensurée pour écrire ce roman et je n'ai pas eu à couper de scènes lors de la correction avec ma directrice littéraire. Par contre, pour être certaine que mon roman allait être bien accueilli, nous avons ajouté un mot de l'auteur et de l'éditeur, afin de faire valoir notre point de vue. De mon côté, lors de l'écriture de ce roman, je devais m'assurer que les lecteurs comprennent le personnage principal, soient touchés par lui, mais qu'ils ne s'associent pas non plus aux actes qu'il pose. C'était loin d'être évident. Je ne voulais pas que mon personnage soit antipathique, car les gestes qu'il pose sont extrêmes...
Avez-vous une piste de solution pour aider ces jeunes qui vivent une telle détresse?
À la fin de la lecture de mon roman, une question se pose : quelle place, en tant que société, devons-nous prendre pour que de telles situations ne se reproduisent plus ? Et surtout, sommes-nous responsables, de loin ou de proche, de ces catastrophes ? Avons-nous un rôle à jouer, personnellement, mais aussi sur un plan plus large, en tant que société ? Je crois fermement que les solutions ne reposent pas seulement sur le dos des jeunes, mais aussi sur celui des adultes qui les côtoient. De plus, à la fin de mon livre, on retrouve une liste d’endroits où les jeunes peuvent appeler, en cas de détresse.
Il est beaucoup question de désespoir dans Solitude armée. Croyez-vous que la littérature jeunesse doit toujours être porteuse d’espoir?
Je pense que les jeunes lecteurs sont capables d’en prendre. De plus, ceux-ci aiment ressentir fortement les choses. Je crois qu’un roman s’adressant à eux peut se terminer mal, quand ce n’est pas gratuit. Leur propre vie n’est pas toujours rose, alors je crois que de voir que ça peut aussi être le cas dans des romans leur permet de grandir et d’accepter une réalité parfois dure à comprendre.
Croyez-vous qu’une collection comme la collection Tabou est nécessaire pour les adolescents?
Absolument. Ce genre de collections ancrées dans la réalité des jeunes a sa place dans leur lecture.
Avez-vous d’autres projets d’écriture? Sont-ils aussi durs?
J’ai écrit un livre semblable à Solitude armée, que je dois bientôt envoyer à mon éditrice, sur un autre thème tabou… Je ne peux pas encore dire le sujet, puisque rien n’est encore certain. J’ai aussi plusieurs thèmes que je voudrais aborder dans mes prochains romans. Comme je viens à peine de terminer un manuscrit, je suis présentement en réflexion à savoir dans quoi je me lance…
Rafale lecture !
Enfant, étiez-vous une grande lectrice?
Oh que oui ! Mes parents devaient parfois m’interdire de lire, car je pouvais passer des journées entières un livre dans les mains, si bien que je ne faisais pratiquement rien d’autre. Par contre, je n’aimais pas les compositions, à l’école, et j’ai toujours cru que je n’avais pas l’imagination nécessaire pour écrire quoi que ce soit.
Qui vous a donné le goût de lire? Comment cette personne a réussi à développer ce lien entre vous et les livres?
Sûrement ma mère. Elle est elle-même écrivaine pour la jeunesse depuis de nombreuses années. Elle a écrit plus d’une cinquantaine de romans pour les jeunes (du primaire au secondaire et même pour un public adulte). Chez moi, il y avait toujours des livres. Et l’image de ma mère, un livre à la main, n’est pas un souvenir rare. Elle est encore une grande lectrice. Et une des premières à me lire, d’ailleurs !
Êtes-vous aujourd’hui une grande lectrice? Que lisez-vous?
Oui, évidemment ! Je lis énormément ! Plusieurs livres par semaine. Je lis beaucoup de romans pour ados et pour jeunes (pour voir ce qui se fait, mais aussi parce que cette littérature me plaît).
Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres?
Légèrement obsessionnelle…? Bon, je n’en suis pas nécessairement fière, mais il est vrai que si je n’ai pas une pile de livres à lire sur ma table de chevet, je peux devenir anxieuse. Il m’est déjà arrivé de faire le tour des pharmacies, un dimanche après-midi, parce que je DEVAIS absolument me trouver un livre à lire et que presque tout était fermé…
Quel est votre livre préféré?
Je n’en ai pas. J’aime tout et je ne place pas un livre devant un autre. Mes préférences varient selon mon âge, mon état d’esprit, le temps de l’année, etc. Mais comme je le mentionnais plus haut, j’aime beaucoup les romans pour ados.
Quel roman a marqué votre adolescence?
Encore une fois, je vais vous avouer ici un plaisir coupable… Adolescente, je dévorais carrément tous les romans à l’eau de rose sur lesquels je tombais. J’en lisais plusieurs par jour. En fait, je pouvais en lire plus d’une douzaine par semaine. Je ne pourrais pas nommer un roman en particulier, mais cette phase de lecture a définitivement marqué mon adolescence…
Quel est le livre sur votre table de chevet?
Mon prochain livre à lire m’a été prêté. Il s’agit de Toyer, par Gardner McKay. Une brique sur un tueur en série, je crois. Je viens de terminer un livre intitulé : J’ai embrassé un zombie (et j’ai adoré). Dans la veine des livres sur les vampires. Mais le titre m’a attirée et il m’a fait bien rigoler. C’est l’histoire d’une ado qui tombe sous le charme d’un zombie, malgré son odeur de formol et son teint grisâtre…
Dans quel endroit préférez-vous lire?
PARTOUT !!! Dans mon bain, bien étendue sur mon lit, sur le divan du salon, sur le coin d’une chaise dans la cuisine, en marchant dehors, et même (seulement à la lumière rouge, promis) en voiture…
Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous?
Un livre de bibliothèque. Parce que je me promènerais de main en main et je verrais des tas de visages surpris, tristes ou heureux, en me lisant !
Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui ont aimé Solitude armée?
Évidemment, je ne peux pas passer à côté de mon autre roman pour adolescents, qui est paru en novembre dernier : À la croisée du temps, aux éditions Pierre Tisseyre. Je crois que ceux qui ont aimé Solitude armée apprécieront cet autre roman. On y fait la rencontre d’une adolescente, balancée d’une famille d’accueil à une autre, qui a la chance de tomber sur une hôtesse… qui cache bien des secrets…
Sinon, tous les romans de la collection TABOU, aux éditions De Mortagne ! Et ceux de la collection Faubourg St-Rock+, aux éditions Pierre Tisseyre !
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J'ai lu les livres "Solitude armée" et "À la croisée du temps" de madame Addison et j'ai beaucoup aimé. Je pense que ces deux romans, même s'ils s'adressent à une clientèle adolescente en premier, se doivent d'être lu par les parents d'adolescents.
Ces sujets d'actualités sont très bien vulgarisés par l'auteure mais surtout. ils ne sont pas dédramatisés. Ces histoires aussi touchantes et l'idée d'écrire comment le personnage de Mélina a vécu le drame, m'enchante au plus haut point.
Je n'ai pu m'empêcher de donner mes deux livres (Même dédicacés par l'auteure) à des jeunes pour qu'ils le lisent à leur tour. Bravo à l'auteure... Et bonne lecture à vous !