Entrevue avec Laurent Chabin

 
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29 mai 2012

Laurent Chabin est un auteur que l’on peut facilement qualifier de prolifique. Il célèbre d’ailleurs cette année ses quinze ans et 21 romans à suspens aux Éditions Hurtubise en plus de toucher d’autres genres. Ce printemps seulement, il a publié Les voix meurtrières pour les adultes ainsi que L’énigme du canal et L’Insoumise pour les adolescents. Entrevue avec un homme qui ne manque pas d’inspiration!

Vous êtes connu davantage pour vos romans policiers, d’où est venue l’idée de cette série qui semble plus fantastique?

En fait, j'ai commencé à écrire des romans de ce genre avant de faire du polar. Ce type de récit me permet de faire passer des «messages»  différents (par exemple à propos de la liberté, de la responsabilité, de la possibilité de choisir ou non qui on veut être, etc.).

Lisez-vous vous-même ce genre de roman? Avez-vous fait des recherches pour créer un univers crédible?

Non, je lis peu ce genre de littérature. En revanche, sur les sujets traités dans mes romans, je lis beaucoup d'essais ou de documentaires (dans le cas de L'Insoumise, sur les Sarmates et les peuples de la steppe pour le tome 1, par exemple, ou sur l'histoire des cosaques pour le tome 2; ou encore, dans le cas de la série Vermillon, sur l'histoire de la Révolution russe).

Vous êtes un auteur prolifique! Menez-vous plusieurs projets de front? 

Je suis incapable de faire deux choses à la fois. J'écris donc mes romans un par un et, lorsque j'en commence un, je ne fais rien d'autre jusqu'à ce qu'il soit terminé. Ensuite, je l'oublie.

Où trouvez-vous l’inspiration pour vos histoires? Prenez-vous des notes?

Je prends rarement des notes, sauf au moment même où j'écris. Je ne sais pas ce qui m'inspire. Je ne suis pas quelqu'un d'inspiré. Mais il y a des moments forts dans l'Histoire que j'aime recréer dans mes livres (l'époque de la piraterie, les révoltes populaires et leur écrasement, l'épopée des rares peuples libres de l'Histoire, etc.).

Vous écrivez des romans jeunesse ainsi que des romans adultes. Qu’est-ce qui change dans votre écriture? Lesquels avez-vous le plus de facilité à écrire?

Je n'ai pas plus de difficultés à écrire des romans pour les adultes que pour les enfants ou les adolescents. Mon écriture est différente, mais ce n'est pas une question de difficulté. Si le public visé est jeune, je m'efforce à une grande clarté dans le style, j'évite les allusions trop complexes, les ellipses, etc. Quand je m'adresse aux adultes (et encore faudrait-il savoir ce qu'on entend par là!), je prends davantage de libertés avec la langue; mon style est également plus violent, moins «évident».

Vous placez-vous des limites lorsque vous écrivez des romans jeunesse?

Des limites morales, non. En revanche, j'essaie d'adopter une langue claire.

Dans plusieurs de vos romans policiers, la ville de Montréal est comme un personnage tellement elle est présente, particulièrement St-Henri, Verdun, le marché Atwater. Est-ce le décor de votre écriture?

Par principe, mes romans policiers ont toujours pour cadre le lieu où je vis au moment où je les écris. Cela me permet de mieux ressentir ce qui se passe dans mon récit, et, par conséquent, de mieux le faire passer. Les lieux sont importants dans un polar; ils en garantissent, en quelque sorte, le réalisme. De surcroît, cela me permet, au moment de l'écriture, de me plonger réellement dans le lieu de mon action : je n'ai qu'à sortir de chez moi…

Vous faites beaucoup de présentations dans les écoles où les salons du livre dans lesquelles vous décortiquez le roman policier. En connaître aussi bien les rouages peut-il devenir lassant? Contraignant?

Mieux connaître les rouages du policier n'en rend pas lassante l'écriture. C'est comme de connaître son outil de travail : cela permet au contraire de mieux le maîtriser. Par ailleurs, dans chaque nouveau projet, je m'efforce d'intégrer de nouveaux défis qui en rendent la réalisation plus stimulante.

Est-ce que ces rencontres avec les lecteurs vous inspirent? Comment créez-vous tous les personnages qui peuplent vos romans?

Les rencontres avec mes lecteurs m'ont surtout appris qu'ils sont souvent sous-estimés.

En ce qui concerne mes personnages, je suis incapable de les inventer tout seul. Selon le genre de roman, j'utilise donc des personnages historiques, ou des gens que je connais et qui me servent de modèle. Certains le savent, d'autres non…

Il y a maintenant 15 ans que vous publiez chez Hurtubise. Quand vous regardez ce parcours, de quoi êtes-vous le plus fier? Est-ce que votre écriture a beaucoup changé depuis vos débuts?

Je ne suis fier de rien. La fierté est un sentiment qui me paraît détestable. En revanche, je me rends très bien compte que mon écriture s'est améliorée au fil des ans. On apprend autant en écrivant qu'en lisant.

Vous avez dit dans une entrevue pour Voir qu’écrire des romans pour simplement divertir dans le métro ne vous intéressait pas. Quel est votre but en écrivant?

Faire en sorte que je n'aie pas existé pour rien. Même si ce n'est sans doute qu'un rêve naïf.
 
Rafale lecture !

Enfant, étiez-vous un grand lecteur?

J'étais même un lecteur boulimique…

Qui vous a donné le goût de lire? Comment cette personne a réussi à développer ce lien entre vous et les livres?

Il y avait beaucoup de livres chez moi, et, de plus, dans mon village, ma mère s'occupait du dépôt du Bibliobus, une sorte de bibliothèque municipale ambulante. À part lire, d'ailleurs, je n'avais rien à faire…

Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres? 

Patrie. Les livres sont ma seule patrie. Je n'en reconnais aucune autre.

Quel est votre livre préféré?

Probablement D'un château l'autre, de Céline. Mais mon polar favori demeure La cité de verre, de Paul Auster.

Quel roman a marqué votre adolescence?

Davantage qu'un roman, ce sont les contes d'Edgar Poe qui m'ont le plus fasciné au début de mon adolescence.

Quel est le livre sur votre table de chevet?

Il y en a toujours plusieurs. En ce moment, entre autres, des romans de Louis Calaferte, un romancier très injustement oublié.

Dans quel endroit préférez-vous lire?

Chez moi, allongé sur mon canapé. Je suis incapable de lire à l'extérieur.

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous?Pourquoi?

Un livre uniquement composé de pages blanches, parce que c'est à chacun d'écrire sa vie.

Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui ont aimé Enchainée? Et pour ceux qui ont accroché aux univers de vos romans policiers?

La série Vermillon, chez Michel Quintin. On y retrouve les mêmes thèmes, mais en version plus noire, plus radicale.
Les adolescents qui ont aimé mes romans policiers pourront retrouver un univers plus complexe et plus angoissant – et en même temps beaucoup plus proche de la réalité – dans les romans d'anticipation que j'ai publiés aux éditions Coups de tête. 
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