Entrevue avec Dïana Bélice

 
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22 mai 2013

Les éditions de Mortagne ont frappé un grand coup en publiant le roman Fille à vendre de Dïana Bélice dans la collection Tabou. D’abord, le sujet est dur et aborder sans détour par l’auteure qui travaille dans ce milieu et qui est donc capable de nous offrir une intrigue tout à fait réaliste. Ensuite, ils ont choisi une couverture surprenante qui attire le regard et peut en choquer certains. Classé 16 ans et plus, ce roman pourrait tout de même rejoindre des adolescentes plus jeunes parce qu’il s’agit d’une fiction, oui, mais que c’est aussi une mise en garde très forte. Entrevue avec une intervenante qui utilise la fiction pour parler de prostitution juvénile.  

Bonjour Dïana ! Fille à vendre est un roman pour le moins déstabilisant… Qu’est-ce qui t’a amenée à écrire un récit sur la prostitution juvénile ?

La manière dont ce livre s'est « imposé » à moi est un peu spéciale. Tout a commencé avec un roman qui s'appelait Sans parachute, que j'ai fait parvenir à plusieurs maisons d'édition québécoise. Dans le but qu'on ait une meilleure idée de qui j'étais en tant que personne, j'ai parlé de mon expérience professionnelle en prévention de l'exploitation sexuelle des jeunes filles par les gangs de rue dans ma lettre de présentation. C'est grâce à cette information qu'une semaine plus tard, les éditons de Mortagne me proposaient ce projet !

Je crois réellement que je dois ce roman à l’équipe merveilleuse de chez De Mortagne. Je me suis découverte en tant qu'auteure. Maintenant, je sais que je suis Dïana Bélice, auteure jeunesse. Je trouve que ça sonne bien ! Je leur en serai éternellement reconnaissante.

Le récit semble tellement réaliste ! C’est dans ton travail que tu as puisé ton inspiration ?

Bien que je me fasse souvent poser la question, l’histoire de Leïla n'est pas la mienne !

En effet, j'ai travaillé et travaille encore aujourd'hui auprès d’une clientèle jeunesse gravitant ou faisant partie des gangs de rue ou groupe criminalisé. Nécessairement, ayant côtoyé autant les jeunes filles que les garçons évoluant dans ces sphères, il m'a été plus facile de créer une histoire qui se rapprochait de la réalité que vivent ces jeunes. C’est de là que l’histoire de Leïla tire son réalisme.

Comment s’est passée l’écriture ? Y a-t-il eu des parties plus difficiles à écrire que d’autres ?

Aussi étrange que cela puisse paraître... Non. Je ne sais pas si c'est dû au fait que j'entends ce type d'histoire tous les jours et que j'y suis maintenant « immunisée », mais c'est ainsi. Pourtant, dans la vie de tous les jours, je suis une personne extrêmement sensible. Il serait faux de dire que ce que ces jeunes vivent ne me touche pas. Au contraire. J’ai beaucoup d’empathie à leur endroit.

Mon but en écrivant ce roman était de toucher l’autre. Le lecteur. Et je crois que pour le faire, je devais garder la tête froide.

Est-ce que tu t’es censurée ? Comment choisir ce que l’on doit montrer et ce qui est trop ?

Dès le départ, ma directrice littéraire m'a demandé de ne pas me censurer. C’est ce que j'ai fait. Il est certain que la version finale est différente de ce qu’elle était au départ, mais les événements sont restés les mêmes. J’ai simplement dû écrire, je crois, d'une manière qui serait plus... acceptable. Malgré le fait que les choses ne sont pas toujours dites crûment, je pense que le message passe quand même.

En fait, malheureusement ou heureusement, je crois que nous vivons dans une société ou rien n’est jamais de « trop ». Dans cette mesure, tout est dans la manière de faire passer le message…

Était-ce important pour toi que l’histoire de Leïla se termine « bien » ?

Non. En fait, si ça n’avait été que de moi, l’histoire se serait terminée plus durement. Dans ce domaine, je trouve que les belles fins sont rares…

Mais quand on y pense, l'histoire de Leïla ne se termine pas si « bien » que ça. Elle devra vivre avec les séquelles psychologiques et physiques de son expérience, mais devra aussi sans aucun doute faire face à la justice. Les choix qu’elle a faits ne resteront pas impunis.

Quoi qu'il en soit, il était important pour moi de démonter qu'il n'y a pas de portes de sortie « toute faite, bien faite ». Trop souvent, les jeunes se disent que ce genre de chose ne leur arrivera jamais ou, qu’au pire, tout finira par s’arranger. Mais c’est faux. C'est cet effet pervers que je voulais éviter. J'espère que c'est mission accomplie.

Leïla sombre aussi dans la drogue et le roman est écrit au « je ». Comment traduit-on l’état altéré par la drogue d’un narrateur ?

Ça n’a pas été une mince tâche ! N’ayant jamais utilisé aucune drogue, j’ai dû user de mon imagination. J’ai voulu faire en sorte que le lecteur se sente lui aussi, sous l’effet d’une substance quelconque au cours de sa lecture. Je voulais qu’il sache comment on sent dans cette situation et, pour ce faire, je me suis beaucoup fié à des témoignages.

As-tu fait lire le récit à des jeunes filles qui t’ont insipirée?

Non. Je n’ai pas fait lire le roman à des jeunes filles. Plusieurs personnes de mon entourage l’ont lu et elles avaient toutes des commentaires dont j’ai tenu compte, certains plus que d’autres. À leur manière, ils ont tous contribué à l’écriture de ce roman !

Le livre a été classé pour les 16 ans et + selon la maison d’édition. Est-ce que cela est approprié, selon toi ? Qui cherchais-tu à joindre en écrivant Fille à vendre ?

La maison d'édition n'avait pas le choix de classer le roman de cette manière en raison de son contenu. Cependant, je crois que ce roman devrait être lu dès l'âge de 12 ans. Je considère que c'est entre 12 et 14 ans que les filles sont plus naïves, impressionnables. Tout en présentant une histoire intéressante à suivre, le roman leur dicte clairement des indices qui leur permettraient de faire la différence entre une vraie histoire d'amour et une histoire qui se terminera en cauchemar...

Je pense aussi que ce roman s’adresse tout autant aux parents qu’aux différents intervenants auprès des jeunes. C’est bien beau lire l’histoire, mais il faut aussi en parler. J’espère qu’il ouvrira des portes de discussion.

En voulant donner des indices aux lectrices, comment as-tu fait pour ne pas être trop « didactique »?

Je me suis battue contre ça tout au cours de l’écriture de ce roman, car je considérais qu’il était important de faire ressortir cette théorie qui, d’une manière qui m’étonnera toujours, colle si parfaitement à la réalité.

En même temps, je voulais faire en sorte de m’en détacher le plus possible et simplement laisser cours à l’écriture. Tant mieux si c’est mission accomplie ! Mais je dois quand même avouer que même si je connais cette théorie par cœur maintenant, j’ai quand même révisé mon manuscrit avec mes vieilles notes de cours à côté de moi ! Je voulais être certaine de ne pas dire de « niaiseries » !

Rafale lecture !

Enfant, étiez-vous une grande lectrice ?

Enfant, dans la cour d'école, je lisais ou je racontais des histoires inventées à ma meilleure amie de l'époque qui était toujours pendue à mes lèvres. Bref, dès mon jeune âge, j'ai toujours été dans un monde impliquant la lecture et l'écriture. Des années plus tard, je suis carrément toujours la même petite fille. La seule différence, c'est que mes histoires sont maintenant sur papier et pour les yeux de tous !

Qui vous a donné le goût de lire ?

C'est ma grande sœur, Emmanuelle. Elle a toujours été une grande lectrice, mais aussi sa plume m'a toujours fascinée. En bonne petite sœur que j'étais, je voulais faire comme elle. Elle a toujours été un modèle pour moi.

Sinon, la lecture a toujours fait partie de la famille. Elle s’est donc imposée à moi de manière toute naturelle.

Êtes-vous aujourd’hui une grande lectrice ?

Malgré mon emploi du temps chargé, je prends encore le temps de lire. Je lis vraiment de tout et j’adore découvrir des styles différents. En ce moment, je m’abreuve beaucoup de lecture jeunesse et québécoise s’il vous plaît ! J’aime savoir ce qui se fait dans le domaine.

Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres ?

Passionnée, définitivement ! Surtout depuis qu’un de mes écrits a été publié. Me demander pourquoi je lis ou j’écris, c’est comme me demander pourquoi je respire. Dans ma tête, cette relation est indissociable.

Quel est votre livre préféré ?

Je ne pense pas en avoir un que j’affectionne plus particulièrement que les autres... Je crois que je ne suis pas encore tombée dessus !

Quel roman a marqué votre adolescence ?

La route enchantéede Lucy Maud Montgomery !

Quel est le livre sur votre table de chevet ?

En fait, il y en a plusieurs… ! Mais en ce moment, je termine Ondes de choc de Marilou Addison !

Dans quel endroit préférez-vous lire ?

Dans le transport en commun ! J’en fais souvent l’utilisation et j’aime m’enfermer dans un monde imaginaire au lieu d’écouter les bruits de la circulation ou les conversations matinales des autres…

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous ?

Je n’ai pas de titre pour ce roman. Mais ce serait un roman qui permet au lecteur de vivre les mêmes émotions que son personnage.

Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui accrocheront à Fille à vendre ?

Mon prochain roman (rires) ! Sans blague et sans vouloir prêcher pour ma paroisse, je recommande fortement les romans de la collection Tabou. Notre jeunesse est belle, mais elle est aussi amochée. Je pense que ces romans peuvent les aider à sentir qu’ils ne sont pas seuls et que des voies pour s’en sortir, peu importe la problématique vécue, existent. 

Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
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