Quand le Parti de la Liberté remporte ses élections, les réactions sont fortes et diamétralement opposées. Alors que certains festoient et célèbrent la victoire dans les rues, d’autres s’enferment dans leur demeure ou empilent leurs choses dans les voitures pour partir le plus rapidement possible. Il est vrai que la Liberté dont parle le Parti ne concerne que certains individus. Dès le lendemain, de nouvelles lois font leur apparition. L’habillement, la nourriture, le rire sont régentés et des nuanciers de couleur créés par le Ministère des Origines Nationales sont affichés un peu partout en ville alors que les handicapés sont repérés et « pris en charge » par l’État…
Roman choral écrit par sept auteures, On n’a rien vu venir parle de l’importance de la lecture des programmes politiques et du vote, d’homophobie, de racisme, de xénophobie. Composé de sept chapitres mettant chacun en scène un adolescent différent, il frappe l’imaginaire et fait réfléchir. Écrit pour être accessible dès 9 ans, ce roman peut aussi interpeler les plus vieux grâce à la force de la réflexion qu’il suscite.
« - Au moins, a murmuré papa, si la situation dégénère encore plus, notre famille ne risque pas grand chose. Heureusement pour nous, on est français depuis belle lurette.
- Pardon? s' est écriée Léonie. "Heureusement pour nous"? Alors que Walid et Samia habitent juste à côté? Eux, "malheureusement", ça ne te dérangerait pas qu'ils soient menacés? »
Un roman choral à sept auteurs peut être ardu à lire étant donné la différence des styles. Toutefois, si parfois la phrase « On ne l’avait pas vu venir » présente dans tous les chapitres semble un peu forcée, le reste du roman est fluide, les voix se suivants de façon naturelle, et le résultat est percutant. En effet, chaque auteure présente une réalité différente. Celle de celui dont les parents sont pro Parti de la Liberté et qui se rend compte trop tard de ce que ce dernier implique vraiment, celle de l’adolescent handicapé qui doit fuir pour ne pas mourir, celle de celui qui a la peau juste trop foncée et que sa mère empêche de sortir de peur qu’il lui arrive quelque chose. Si chacune des histoires peut être prise séparément, lues les unes à lasuite des autres elles offrent un portrait d’ensemble encore plus effrayant. Le roman est cependant très court, on reste donc parfois dans le plus caricatural, mais c’est une lecture incontournable pour éveiller l’attention et faire réfléchir sur l’actualité et au danger de certaines options politiques.
Le petit plus? La préface de Stéphane Hessel permet au lecteur d’aborder le récit avec un regard plus attentif parce qu’il l’interpelle directement et lui rappelle que, même jeune, chacun peut s’engager pour éviter de telles dérives.
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