Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse
« Tard un soir d’hiver, longtemps après l’heure où je vais au lit, je suis partie avec mon père courir le grand-duc. Aucun souffle de vent. Les arbres se tenaient droits, des statues géantes. La lune était si lumineuse qu’elle en faisait briller le ciel. Quelque part derrière nous, sourd, le long sifflet d’un train comme une très triste chanson ». Ainsi débute cette nuit pendant laquelle une fillette part en forêt avec son père, espérant voir l’oiseau rare. Le calme, le silence, le courage, qualités essentielles pour entreprendre une telle poursuite, motivent l’héroïne malgré le froid qu’elle sent « comme une main glacée le long de [son] dos », malgré la peur du noir.
Des ailes dans la nuit c’est d’abord une relation père-fille, un instant privilégié, partagé dans l’espoir de voir apparaitre ce grand-duc. Un instant d’éternité pour les personnages qui vivent là un moment unique, ensemble.
Le thème de la patience auréolé de celui de la relation père-fille sous-tendent ce récit qui saura bien sûr et d’abord intéresser les petits, mais aussi faire écho chez les plus grands grâce à cette profondeur, cette quête de soi, cette volonté d’aller au bout de ses désirs, de toucher la récompense après les efforts.
Sur la fiche technique de l’album, on peut lire que le livre s’adresse aux enfants de cinq ans et plus. Dans le « et plus » j’y ai vu des dix, douze, seize, trente, soixante-dix ans et c’est pourquoi il se trouve ici dans une section réservée aux albums pour les grands. On nous propose un thème universel et intemporel poétiquement mis en scène par Jane Yolen et délicatement traduit par Christiane Duchesne. La beauté et le calme qui émanent du récit ont un effet apaisant sur le lecteur. Réconfortant. La narration tenue par la fillette permet de bien sentir la hâte, mais aussi toute la retenue nécessaire à l’aboutissement du projet.
Les illustrations réalistes de John Schoenherr, offrant constamment une variation de perspectives, jouant de mouvements, de contrastes de couleur - notamment la pleine lune blanche qui tranche sur le bleu de la nuit - nous propulsent dans un univers nocturne et hivernal, à la fois connu et mystérieux. Le mystère s’insinue aussi à travers les personnages dont on ne voit le visage qu’au moment de leur rencontre avec l’oiseau. Moment fort et phare de l’histoire, cet instant précieux là où tout devient bien réel, clair et palpable.
Pour l’auteure comme pour l’illustrateur, cette histoire est inspirée de souvenirs familiaux. Plus encore, les illustrations sont directement puisées dans le réel de John Schoenherr, notamment la représentation de la ferme et de la forêt mises en scène, qui appartiennent à son passé. Un album enveloppant à faire découvrir aux plus grands pour la beauté. Tout simplement.
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