« Dans un royaume où il faisait bon vivre, il y avait assez de tout pour tous. Assez de pluie pour favoriser les cultures, assez de soleil pour permettre les moissons, assez de bois pour se chauffer et même assez d’argent pour que toutes les activités et distractions […] soient entièrement gratuites. Mais Théo, le fils du roi, n’avait jamais assez. » Plus de poneys, plus d’espace, plus de soldats de plomb, la soif du petit prince semblait insatiable jusqu’à ce qu’un perroquet lui soit offert. Un splendide perroquet multicolore qui avait le don de parole. Pas seulement celui de répéter, mais aussi de raconter, enseigner et éveiller le prince à comprendre ce qui lui manquait vraiment.
À mi-chemin entre Ce qui serait bien de Caroline Grégoire – album dans lequel un poussin capricieux et exigeant en prend pour son rhume – et Le vide d’Anna Llenas – qui met en scène avec finesse les façons de combler le manque – Le prince qui manquait de tout - dont le texte est tiré de La lumineuse histoire du prince qui manquait de tout paru pour les adultes en 2008 - investit le thème du manque qui subsiste malgré l’abondance et qui empêche à la vraie nature de se déployer. Un thème intemporel présenté dans un album qui saura plaire à tous.
Album d’abord visuellement très beau, Le Prince qui manquait de tout est présenté dans un grand format dans lequel les illustrations poétiques de Justine Brax se déploient avec grâce. Alternant entre le portrait des personnages et des paysages, tout droit sortis des mille et une nuit, le trait fin et détaillé de l’illustratrice permet à la fois de sentir la charge émotionnelle contenue dans le regard des personnages, mais aussi d’être transporté dans un ailleurs lointain. L’histoire narrée au passé simple rappelle d’ailleurs les formules du conte établissant une distance entre notre univers et celui du monde merveilleux dans lequel tout peut arriver. La contemporanéité du thème est quant à elle présentée avec poésie grâce à ces tableaux lumineux.
Si l’histoire vaut le détour, que les personnages, bien campés, nous permettent d’entrer facilement dans le conte, la finale à tendance didactique tranche avec la féérie de l’ensemble. On y trouve un appel au lecteur l’invitant à trouver lui aussi sa voie, ce qui lui manque, son « génie », comme on s’amuse à l’appeler dans le conte. Cette façon de faire tend à briser le charme qui nous berçait depuis la première jusqu’à l’avant dernière page. Enfin, mis à part ces lignes – que vous pouvez très bien ne pas lire, après tout – cet album reste un excellent moyen d’aborder le thème du manque avec les jeunes.
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