« Quand j’ai rencontré Jack la première fois, il a chassé mon solitaire dedans. Le soleil est entré dans ma tête, des ailes ont poussée sur mon cœur et m’ont emmenée jusqu’à la lune. J’étais la vraie Rose. J’étais plus Rose, Papa, qu’avant de rencontrer Jack. Sans lui, mon soleil est couvert de nuages et à l’intérieur de moi il n’y a que de la pluie. Jack me fait grande comme le ciel et courageuse comme le lion... et je fais s’envoler le furieux de Jack. Sans lui je ne suis pas Rose, je suis disparue. »
Quand Jack, le copain de Rose, fait une énième crise et abime le matériel de l’école, les deux adolescents sont séparés et le père de Rose interdit à sa fille de le revoir. Pire, il intercepte les cartes postales que son amoureux lui envoie, pensant agir pour son bien. Mais Rose découvre la cachette de son père et comprend à travers les mots de Jack qu’il a besoin d’elle. Autant qu’elle a besoin de lui. Alors l’adolescente prend ses économies, demande à une amie de l’aider à établir le trajet le plus rapide pour rejoindre Jack et part le retrouver. Sauf qu’il y a une tempête de neige qui immobilise les trains, une panne de métro, des gens malintentionnés... et que rien ne se passe comme prévu. Mais l’adolescente trisomique a les mots de Jack avec elle et une détermination à toute épreuve.
Avec ce roman initiatique, Mel Darbon offre un récit empreint de dépassement de soi, de résilience et de force de caractère qui amène les lecteurs à réviser leurs préjugés sur la trisomie, notamment parce que c’est Rosie elle-même qui raconte son histoire. Pour les lecteurs intermédiaires et avancés.
Difficile de suivre les aventures de Rose sans être touché. Par sa force de caractère d’abord, par son courage ensuite, par toute sa force puisée dans sa naïveté, oui, un peu, mais aussi dans sa capacité de croire en elle. Par ses aventures aussi, qui ne sont pas des plus faciles. Au fil de son parcours, on rit, on est touché, on est stressé. Parce que Rosie a beau être déterminée à retrouver son amoureux, elle semble aussi sans arme dans un Londres qui peut être sauvage et dangereux pour qui ne sait pas s’y repérer ou qui, comme Rosie, est trop naïf. D’ailleurs, toute la partie où Rose est entre les mains d’un proxénète (et qu’on peut lire à double niveau puisque la narratrice ne se rend pas compte elle-même de ce qui se trame autour d’elle) est particulièrement réussie, poignante.
Au fil du récit, on se questionne aussi sur la réalité des personnes trisomiques. Sur leur droit à l’autonomie, sur leur droit d’aimer, sur leurs différences. Rosie ne se définit pas comme trisomique : elle est tellement plus qu’un diagnostic ! On le découvre d’ailleurs au fil du récit grâce entre autres à l’intelligence de la plume de Mel Darbon. Tout est écrit à travers les yeux de Rosie et son filtre parfois déformant de la réalité, mais ainsi on découvre sa vision des choses, on ressent ses pertes de repère, mais on découvre aussi sa force. Brillant.
Le petit plus? Le personnage de Jack est aussi riche. Il reste en périphérie de l’intrigue et on le découvre surtout via ses cartes postales (reproduites telles qu’elles, avec son écriture), mais il apporte d’autres réflexions, notamment sur ces adolescents qui grandissent avec de grandes difficultés à se contrôle eux-mêmes, mais qui cherchent aussi la lumière et qui ont droit, eux aussi, au bonheur.
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