Logiquement, rationnellement, Bamba aurait dû avorter ou donner son bébé sous X. Après tout, le père n’a été qu’un feu de paille, elle n’a pas de stabilité dans cette famille effritée dont la mère, magicienne du réel, est morte d’une longue maladie, la laissant seule avec un père rempli de souffrances qui est là sans être là, « présent à son corps défendant, absent à son corps volontaire » et une grand-mère qui n’a rien demandé et se retrouve à devoir tout gérer, incapable de parler sans enrober ses mots de rancune. Oui, elle aurait dû. Mais Bambe sait qu’« avec la vie, on n’a pas souvent le choix, il faut l’arracher. » Alors elle mène sa grossesse jusqu’au bout, fière de ce ventre qui la précède, et déniche une chambre en campagne pour vivre les premiers mois de la vie de son fils entre les biberons et le planche de danser où elle s’évade, la nuit. Et après ? Eh bien elle verra bien.
Anne Loyer signe un texte fort avec ce récit ancré dans la réalité française et punché qui parle de résilience, de la force vive d’une adolescente, de maternité et de famille, celle qu’on a et celle qu’on se crée. Pour lecteurs intermédiaires
Anne Loyer a un talent tout particulier pour créer de la douceur dans des milieux rudes, pour illuminer de l’intérieur des personnages qui n’ont pas une vie facile. À l’instar de Raphaël de Car Boy, Bamba (quel prénom, d’ailleurs, avec toute une histoire derrière) est une adolescente qui a bien du vécu et vient d’un milieu défavorisé dans lequel elle a dû se construire toute seule, à force de caractère et grâce aussi à l’amitié de Mozart, un petit génie de l’école qui lui offre un port d’attache émotionnel. Mais même lui ne comprend pas sa réaction quand elle décide de garder le bébé alors qu’il n’y a pas de père, qu’elle n’a pas de plan.C’est donc seule que Bamba part, répondant à la petite annonce d’un vieil instit bourru en apparences, allant vivre ailleurs. Pas si loin, mais dans un autre univers, loin de sa piaule perdue au milieu des tours, dans une maison de campagne avec jardin et légumes bios au menu.
Difficile de ne pas juger Bamba au départ alors qu’on la rencontre sur une piste de danse au milieu de la nuit, qu’elle navigue à vue pour rentrer, épuisée, et qu’on découvre son fils qui l’attend. Et pourtant, à travers un récit en patchwork avec des morceaux du passé qui se greffent au présent au fil des instants, on apprend à connaitre cette Bamba et à l’apprécier. À l’aimer. Parce qu’il y a tellement derrière ce côté frondeur, une histoire qui nous rentre dedans, qui ne nous laisse pas indemnes. Encore une fois, Anne Loyer est d’une grande justesse et ce qui ressort de ce roman, malgré l’aspérité des personnages et de la situation, c’est une immense tendresse. Entre Bambe et Killyan, oui, mais aussi entre l’adolescente et celui qui l’héberge, celui qui voit vite de quel bois elle est vraiment faite et qui décide de l’aider.
Est-ce que la finale est trop rose ? Trop belle ? Peut-être un petit peu. Disons que Bamba n’a pas eu de chance au départ, mais qu’ensuite elle tombe sur les bonnes personnes au bon moment. C’est peut-être un peu trop rose, mais c’est en tout cas porteur d’espoir. Et ça montre aussi qu’il faut prendre sur soi. Affronter la vie, l'arracher par moment, pour que le beau arrive.
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