L'âge des possibles

Dans la communauté amish, le rumspringa est l’occasion d’explorer le vrai monde pour ensuite pouvoir le rejeter en toute connaissance de cause. C’est ainsi que Saul et Rachel prennent l’autobus pour Chicago, armés de leur courage, de la force de l’amour naissant qui les unis, des toutes ces racines bien ancrées dans leur communauté.

Sur la route, il y a aussi Temple. La timide Temple qui ne se sent vraiment bien que sur son tabouret dans l’épicerie de ses parents, toute sa temporalité étant rythmée par les habitudes. Mais Temple a des billets pour le spectacle d’adieux d’une grande danseuse et part donc rejoindre sa sœur à Chicago.

Sur le chemin, les routes se croisent, dévient. Et leur rencontre donnera à chacun une nouvelle force.

Roman choral porté par les trois voix des personnages principaux, L’Âge des possibles est une œuvre forte qui aborde la peur de l’inconnu en parallèle avec la sécurité des habitudes tout en investissant le présent de trois adolescents en quête d’eux-mêmes (et d’un quatrième qui montre que parfois la solidité des assises ne fait pas tout), le tout porté par la plume poétique et douce d’une Marie Chartres en pleine maitrise. Pour les lecteurs intermédiaires et avancés.

Mon avis

J’aimais déjà beaucoup la plume de Marie Chartres, tout en sensibilité, en douceur, en images poétiques, mais ce roman-ci a encore fait grandir mon admiration pour l’autrice. D’abord pour cette façon bien à elle de construire ses personnages en expliquant leur rapport à leur univers, une présentation tout en couleurs et en textures, puis de les placer dans des situations déstabilisantes qui ébranlent leurs certitudes en. Il y a Rachel et Saul, à travers lesquels on découvre certaines particularités de la communauté amish (même si ce n’est pas du tout le cœur du récit et que ces passages sont toujours présentés en échos avec ce qu’ils signifient pour les personnages), Temple et l’anxiété qui l’étreint à l’idée de ne plus pouvoir compter sur ses repères, qui s’est construite dans l’ombre, mais qui porte en elle beaucoup de lumière, et aussi Frederik. Ce dernier ne prend pas la parole, mais tout ce qu’il est affecte le parcours des trois autres et sa présence permet à l’autrice d’aborder la réalité dure de certains jeunes sans-abris, tout en montrant la force de leur résilience, leur créativité, leur gentillesse aussi. Alors que Rachel, Saul et Temple s’excusent presque toujours de prendre de l’espace, Frederik revendique son droit d’être là, d’être qui il est.

Ensuite, c’est la forme qui frappe, avec la manière de Marie Chartres d’écrire avec des images, émaillant son récit de phrases magnifiques qui incitent le lecteur à s’arrêter pour les savourer, mettant la lumière sur des petits instants du quotidien qui changent tout. Ce roman au titre si bien choisi nous permet en effet de rencontrer Saul, Rachel et Temple à un moment charnière de leur vie, de les voir se remettre en question, tester la solidité des limites qu’ils se sont eux-mêmes créées, et faire quelques pas dans le vide, mais on a l’impression en fin de parcours qu’on est seulement au début, que tout est encore possible.

Un roman touchant, une lecture à fleur de peau.  

Merci à l'école des loisirs pour le service de presse!