Comme tout étudiant français, Valentin doit faire son année de stage entre la troisième et la seconde. Si le garçon, intelligent, mais aussi timide et rempli d’angoisse, a bien pris soin de noter ses préférences, l’affectation qu’il reçoit est pour le moins déroutante. Envoyé dans le Pas-de-Calais, Valentin doit travailler dans une des unités Mnémosyne, qui permettent aux patients souffrant d’Alzheimer d’avoir l’impression de vivre dans les années de leur jeunesse. L’adolescent fait tout de suite face à de nombreux défis : trouver sa place dans sa colocation, mettre la main sur Sola, sa maitre de stage aux abonnés absents, s’adapter aux années ‘60 dans lesquelles il a été parachuté et, première tâche importante, rédiger une lettre pour une pensionnaire comme s’il était Françoise Hardy. Mais voilà, la rencontre de la musique de la chanteuse française déstabilise encore plus Valentin, qui en devient accroc. Et plutôt que d’écrire une lettre qui indique à Mme Laurel qu’elle n’a pas gagné le concours, il lui répond bien gentiment que Françoise Hardy viendra avec plaisir chanter chez elle. Ne lui reste plus qu’à trouver un sosie efficace…
Écrit sous la forme d’un rapport de stage, situé dans une France imaginaire qui a élu une première présidente et a mis en place, à l’instar d’autres pays, ces unités Mnémosyne bien particulières, L’âge tendre est un roman qui allie psychologie, émotion, humour et réflexion. Pour les grands lecteurs.
Il y a beaucoup de plaisir dans ce roman. Celui qu’on a à lire cette aventure parfois rocambolesque, souvent touchante, de Valentin, mais aussi celui qu’a eu l’autrice à l’écrire. Incontournable de la littérature jeunesse, Clémentine Beauvais s’est éclatée tant sur la forme (ce rapport de stage bien particulier avec le compte rendu initial agrémenté des notes que Valentin y a ajoutées par la suite et qui créent habilement le suspens, le tout avec un florilège de termes techniques détournés) que sur le fond, avec une intrigue à multiples ramifications.
Il y a donc le stage en lui-même et les codes de ce nouvel environnement que doit apprivoiser Valentin (tout en tombant follement amoureux de la musique de Françoise Hardy). Il y a aussi le personnage en lui-même, avec sa rigidité initiale, sa difficulté à entrer en contact avec les autres, sa solitude et sa vie familiale compliquée, avec une mère qu’on comprend en dépression, un père qui est parti avec une autre et auquel l’adolescent n’a jamais pu pardonner, une fratrie occupée. Puis il y l’unité, avec ses pensionnaires, sa rue reconstituée, son arrêt de bus pour prévenir les fugues (un endroit qui donne lieu à des scènes très émouvantes) et… Sola. Sola et toute la complexité de ce qu’elle cache dans ses silences, son histoire si triste aussi, qui vient particulièrement confronter Valentin. L’âge tendre dont il est question est le sien, celui où on perd plusieurs illusions de l’enfance, celui dans lequel on découvre les nuances et on se découvre soi aussi, alors qu’il sort de sa coquille et choisit de faire ce qui lui plait, porté par cette liberté des années ’60, fleurs, motifs, musique et robe à l’appui.
Bref, ce livre est encore une fois un coup de maitre, du genre qu’on pourrait analyser longtemps, qui propose de multiples niveaux de lecture et de regards possibles, mais aussi qui offre tout simplement un grand bonheur de lecture. Mes impressions ont été : très positives ! (Et quand vous le lirez, vous comprendrez !)
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