Au pensionnat où elle a été placée à la suite de la mort de ses parents, Guenièvre est isolée et mal dans sa peau. La jeune fille de 14 ans changera toutefois au contact de Pauline, étudiante passionnée de politique et de religion, puis grâce aux vacances de Noël 1913 où elle se retrouve seule et sera aidée par la surveillante de la pension puis par le père du fiancé de son amie. Finalement recueillie dans le manoir familial, Guenièvre reprend vie en étant entourée de son aïeule, qui guérit les blessures de tout un chacun grâce à son don, de Perpétue, d’Edmond et de Petit Dan. Mais bientôt la guerre arrive et la vie de tous est bouleversée. Alors que les hommes doivent se battre au front, Guenièvre affronte les drames qui se jouent derrière les lignes…
La vie au bout des doigts, c’est un roman sur la Première Guerre mondiale et les tensions qui y ont mené, mais c’est surtout un roman sur l’arrière-front, sur la condition féminine et sur les conséquences de cette guerre. Orianne Charpentier crée ici un récit qui captive avec l’histoire de Guenièvre, mais qui nourrit aussi le lecteur grâce à une foule de petits détails qu’elle parvient à glisser sans alourdir le texte et grâce à son utilisation du décor de l’époque. Dense, le roman s’adresse principalement aux lecteurs avancés.
Je suis entrée dans le livre à reculons, pas certaine d’avoir envie d’un récit sur la Première Guerre mondiale. Et pourtant… Pourtant ce roman-ci est un bijou, tant pour son histoire que pour la plume, magnifique, qui touche et renverse, ajoutant au récit du conflit aimé des touches de mystère et de fantastique en plus de parler d’une façon plus large de l’époque dans laquelle a eu lieu cette guerre. Au fil des pages, le lecteur croise donc Freud, Apollinaire, Charcot tout en découvrant la réalité des femmes et leurs conditions de vie.
Il faut dire que l’auteure s’est très bien documentée et arrive à nous raconter l’Histoire sans que ce soit lourd, grâce à ses personnages vivants et au récit captivant de la vie de Guenièvre. En fait, c’est le premier livre sur la guerre de 14-18, outre l’album de Dedieu, qui me touche à ce point, peut-être parce qu’au moment où il est vraiment question des Poilus et de leur histoire, dans les lettres que reçoit Guenièvre, nous avons appris à connaître les personnages et à voir leur importance pour la jeune fille. Leurs mots n’en frappent que plus, d’autant qu’ils sont puissants dans leur façon de rendre la réalité, parfois par mots cachés, parfois crûment.
« Il ne faut pas croire ce qu'écrivent les critiques d'art. Tout n'est que mensonge. En vérité l'art moderne est un gâchis sans nom. Si vous voyiez ces tableaux cubistes : des visages éclatés, des paysages méconnaissables. »
Il est intéressant aussi que l’auteure aborde les dommages collatéraux de la guerre en parlant des femmes et des enfants qui survivent parfois avec difficulté. C’est une facette peu exploitée en littérature jeunesse et pourtant importante, rendue ici avec justesse. En fait, une seule chose m’a dérangée au fil de ma lecture, soit les retrouvailles un peu trop faciles de certains personnages. S’il est possible de croire à une coïncidence une fois, ça devient plus ardu au bout de la quatrième…
Le petit plus? Le personnage de Perpétue a plusieurs répliques où elle « invente » un futur possible, faisant référence à ce qui arrivera vraiment. La femme parle entre autres de voyage sur la Lune et de vote des femmes, mais le clin d’œil le plus réussi est celui à Henriette Pottier, qu’elle invente sorcière et élève dans une école de magie. Charmant !
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Un incontournable de la littérature jeunesse! Alors que le roman de Charlotte Bousquet (Là où tombent les anges) met en scène une provinciale qui change de statut social en débarquant à Paris, celui-ci raconte l'histoire d'une petite dont la famille, aisée, perd tout pendant la guerre. Si la période de la Première Guerre mondiale nous intéresse, on pourra lire les deux romans l'un après l'autre.