« Je me sens comme emprisonnée. En cage. Dans ce corps, dans ce CDI, dans le lycée, dans ce monde. Pourtant je suis libre. Mais la cage est dedans. Dans mon ventre. Et c'est pire que tout. Il n'y a pas moyen de l'en faire sortir. »
Peut-on tomber enceinte après une seule relation sexuelle? À presque seize ans, Madeleine ne le croyait pas. Mais les deux barres roses de son test de grossesse ne mentent pas. Il y a bien un fœtus qui grandit en elle. Et elle doit décider si elle le garde ou pas, décision qu’elle va devoir prendre seule. Parce que ses parents sont toujours trop occupés, comme d’habitude, avec le Grand Hôtel qui se trouve au centre leur vie. Parce que Nana, la gouvernante qui prend soin de la maison et d’elle, préfère ne pas voir. Parce qu’Ulysse, qui l’aimait tant, a pris la fuite dès qu’il a su, lui indiquant lâchement la fin de leur relation par texto. Parce que Zoé, son unique amie, semble complètement déconnectée de la réalité. Madeleine devra donc plonger en elle-même pour voir ce qu’elle fait de ce petit être qui pousse en elle…
Avec beaucoup de doigté, Sophie Adriansen traite dans ce roman de la grossesse adolescente, mais aussi des relations familiales parfois absentes, de solitude et du regard des autres.
Il y a quelques romans qui portent sur une grossesse à l’adolescence, mais on se concentre souvent plus sur la naissance et sur l’après, soit l’arrivée de l’enfant qui chamboule tout ou la suite d’un avortement. Ici, au contraire, c’est le début qui est mis en lumière. Le test, la réaction, le poids de la décision. De l’indécision.
Sophie Adriansen a aussi mis son personnage dans une situation où l’on comprend que le problème n’est pas les moyens. Ses parents sont en effet très aisés (mais aussi complètement absents) et Madeleine se doute qu’ils ne la mettront pas à la rue si elle choisit de garder le bébé. Mais elle est incapable de leur en parler, incapable de percer la carapace de silence qui les entoure, son ventre et elle. Alors elle cherche des réponses dans son passé, dans les récits des autres, dans les profondeurs de l’eau. C’est assez lent de façon générale, toutefois le rythme est donné par l’alternance entre le présent et le questionnement, et des morceaux de passé, pour voir évoluer sa relation avec Ulysse, à partir de leur rencontre. Entièrement constituées de dialogue, ces parties viennent casser l’attente au coeur du reste du récit, bien qu’on ne s’ennuie pas. En fait, le style de l’écriture de l’autrice amplifie l’empathie qu’on peut ressentir envers son personnage, encore plus fort quand on entre dans ses pensées les plus intimes, alors qu’elle plonge et que les pages deviennent bleues. C’est joliment trouvé et efficace, tout comme l’information importante qui est donnée (entre autres sur les risques liés aux relations sexuelles non protégées) sans être lourde ou didactique. Tout est senti, authentique, comme quand il est question des réactions des autres adolescents de l’école quand la rumeur s’ébruite. C’est dur, mais en même temps, c’est terriblement réel.
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