« En cas de perte, merci de rapporter ce carnet à l'hôpital Santo Toribio, calle de las Maravillas, Lima, Pérou. Coquette récompense à la clé »
Lima, 1986. Laila attire tout de suite l’attention d’El Rato quand elle fait son apparition au Nid, comme est ainsi appelée l’aile des enfants de l’hôpital. Entre le garçon et la fille nait une amitié qui se nourrit de complicité et de rêves, surtout lorsqu’ils découvrent le mystérieux journal d’expédition du Docteur Clark dans les méandres de la bibliothèque. C’est d’ailleurs celui-ci qui changera tout quand les résultats des tests reviennent et que Laila apprend que sa maladie est incurable. Que cette vue qu’elle perd peu à peu n’est que le début d’une longue déchéance de son corps. Parce que le docteur Clark mentionne une fleur mystérieuse aux pouvoirs et vertus insoupçonnés. Une fleur qui pourrait bien guérir Laila. C’est ainsi que nos deux héros traversent les grilles de l’hôpital en secret et entament un voyage qui, à force d’entêtement, de courage, de bagout, de rencontres, les mènera dans la Selva amazonienne…
Davide Morosinotto signe un roman dense, sombre de par sa thématique de la maladie, son caractère inéluctable, complexe par moments avec ce monde des esprits qui côtoie celui des humains, mais aussi d’une richesse et d’une force narrative peu communes. Pour grands lecteurs !
Ouh, c’est du lourd ! Et dans tous les sens du terme. D’abord parce que le livre est costaud, 512 pages de bon papier, une brique à trimbaler (j’en parle d’ailleurs dans la BD du jour). Ensuite parce que les thèmes sont forts, que l’émotion emporte tout sur son passage, que ce texte est réfléchi, maitrisé, que la forme est spectaculaire. Bref, c’est une expérience de lecture fascinante qui met fin (si on en croit le mot de l’auteur à la fin du roman) à une drôle de trilogie amorcée avec Le célèbre catalogue Walker & Dawn et poursuivie avec L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges. Drôle de triptyque, oui, parce que les histoires ont peu en commun, si ce n’est qu’elles mettent en scène des enfants, des adolescents d’une grande force, qu’elle leur fait vivre des aventures, des voyages extraordinaires le long de fleuves (le Mississippi, la Neva, l’Amazone) et que la forme du livre participe aussi à la lecture.
J’ai beaucoup aimé L’éblouissante lumière des deux étoles rouges, mais je pense que ma préférence va à celui-ci. Pour la montée dramatique parfaite, le caractère d’El Rato et de Laila, pour les aventures, l’Amérique du Sud des années 80 qu’on découvre au fil des pages, la structure si réussie de l’intrigue (en tournant la dernière page on revient lire la première et ça, c’est du bonbon) et la forme qui s’allie si bien au récit, notamment quand les bords du texte sont floués (on arrive à lire, mais on peine) pour reproduire la vision en tunnel de Laila ou quand les mots se fracassent au moment des crises d’épilepsie.
Et que dire de l’histoire ? Touchante, fascinante, alors qu’on suit Laila et El Rato de Lima à la Selva amazonienne, alors que leur histoire se nourrit des mythes locaux, Davide Morosinotto faisant la belle part aux légendes, aux esprits, aux croyances. Ces deux personnages principaux se complètent à merveille, avec une Laila fille de diplomate, habituée au beau et au confort, mais fonceuse, brillante, déterminée malgré la fragilité engendrée par sa maladie, et un El Rato qui a appris à vivre seul, aventurier, rusé, un peu perdu parfois dans ses sentiments, qui doit jongler avec son Secret et son Grand rêve. S’échangeant la parole au fil des pages (et la partageant avec d’autres personnages qui les croisent durant l’aventure), ils m’ont touchée, émue, fait rire et surprise tout au long de leur longue route parsemée d’embuches. Entre un train qui explose, des voleurs, un kidnapping, un passage chez les trafiquants de drogue, une quête sur l’Amazone et la Selva, les héros ne sont pas au bout de leur peine. Et pourtant… Pourtant, c’est comme si des esprits veillaient sur eux pour les amener là où ils devaient être, pour nous conduire à celle finale qui m’a arraché des larmes. Ouf, quel livre…
Psssst, pour voir des photos des pages intérieures, c’est sur Instagram que ça se passe !
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