Martha Jane Cannary, mieux connue sous le surnom de Calamity Jane, est une véritable légende de la conquête de l’Ouest. Cette femme intrépide et solitaire a marqué l’imaginaire, même de son vivant, si bien qu’il est aujourd’hui difficile, voire impossible, de dissocier la fiction de la réalité historique.
« On raconte qu’elle donna naissance en 1873 à une petite fille : Janey. On raconte qu’elle confia Janey à un couple de voyageurs, les O’Neil, pour qu’elle grandisse chez eux, en toute sécurité et dans la douceur d’une famille. On raconte… »
Dans ce livre, François Roca nous fait découvrir des pans de la vie de Calamity Jane, de 1877 jusqu’à l’année de sa mort, en 1903, à travers des extraits de lettres authentiques qu’elle aurait écrites pour sa fille.
L’album, bien que classé 6 ans et plus par l’éditeur, semble s’adresser à un lectorat plus vieux. Durant ses 40 pages bien remplies, on découvre un contexte sociohistorique complexe et on voit défiler une vingtaine de personnages et presque autant de lieux. Un véritable défi, surtout puisque le tout est très peu contextualisé comme les lettres n’étaient pas destinées à être publiées, encore moins sous forme d’extraits. Les lecteur.trice.s doivent donc rapidement apprendre à se débrouiller : soit iels acceptent les blancs qui ne sont pas comblés par l’autrice, soit iels travaillent à les remplir eux-mêmes en faisant leurs propres recherches.
Ah! comme je suis déçue d’être déçue! Pourtant, c’était un album plein de promesses! D’abord, il est illustré par le grand François Roca qu’on a connu avec ses nombreux succès : L’Indien de la tour Eiffel, La fille du samouraï, La malédiction de l’anneau d’or, Jésus Betz et tellement d’autres. Ensuite, sur le site Les libraires, on lui a attribué un coup de cœur (preuve que mon avis mitigé ne doit pas vous empêcher de découvrir ce livre). Finalement, la femme que je suis était contente qu’on nous présente une « héroïne » qui a su faire sa place dans un monde presque exclusivement masculin (je mets tout de même le terme héroïne entre guillemets puisque les « héros » du Far West ont été plutôt atroces, particulièrement envers les autochtones). Tout me portait à croire que ce serait donc également un coup de cœur chez moi. Pourtant… non.
Les illustrations pleines pages sont magnifiques, grandioses. Je dirais même que Roca, qui nous a pourtant habitué.e.s à des chefs-d’œuvre, s’est surpassé dans cet album. Ses peintures rendent vraiment justice à la beauté des paysages de l’Ouest et il a su insuffler un caractère badass à Calamity Jane. Bref, de ce côté, l’illustrateur a su livrer la marchandise.
Que manquait-il donc? Probablement la collaboration de son acolyte habituel, l’auteur Fred Bernard. En effet, c’est dans le texte que ça coince pour moi qui ne connaissais pas cette grande aventurière qu’est Calamity Jane. Pourtant, je trouvais l’idée de nous raconter une histoire avec des lettres originale, prometteuse. Toutefois, ce sont des extraits des lettres originales qui ont été reproduits ici et je crois qu’une adaptation de celles-ci aurait beaucoup mieux servi l’album en permettant, entre autres, d’établir un fil conducteur entre les écrits de la fameuse cowgirl. Comme on a accès qu’à des extraits, le résultat est souvent décousu et c’est assez difficile à suivre pour une personne qui ne connait pas d’emblée l’héroïne ou, à tout le moins, le contexte du Far West (en plus d’être agaçant visuellement vu le nombre d’omissions signées par des points de suspension entre crochets). À ce propos, la présentation de la conquête de l’Ouest et de Calamity Jane réalisée à la fin de l’album aurait gagné à être plutôt placée au début, question de donner quelques repères aux lecteur.rice.s. Bref, le résultat ne nous permet pas de connaitre l’aventurière aussi en profondeur que je l’aurais souhaité.
J’ai donc fermé le livre avec l’impression d’avoir fait un casse-tête dont la moitié des morceaux étaient manquants. J’ai eu un aperçu intéressant de cette femme légendaire, certes, mais je suis restée sur ma faim. Ma curiosité a toutefois été piquée et une petite séance de recherches sur Internet a suivi ma lecture. Au final, je crois qu’il peut en effet s’agir d’un album génial, dans la mesure où il est complémentaire à autre chose (une lecture, un film, une recherche) qui permettra d’approfondir le sujet et satisfaire sa curiosité.
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