Billet rédigé par Eve Patenaude
Malcolm Doyle n’est pas Malcom Doyle. Il le sait, et sa famille aussi. Mais les autres ne sont pas au courant (ou bien ils se cachent la tête dans le sable). Quand il était bébé, et ce, malgré les amulettes de métal que sa mère avait suspendues au-dessus de son berceau pour le protéger, le vrai Mackie a été enlevé et remplacé par autre chose. Une créature pas tout à fait humaine : lui. Oh, il a tout ce qu’il faut pour avoir l’air d’un adolescent normal… enfin, presque. Ses yeux sont trop noirs. Son teint est trop pâle. Et il a une aversion maladive pour tout ce qui contient du fer, incluant le sang.
Le faux Mackie n’est pas le seul à avoir fait l’objet d’un échange. De temps en temps, ça se produit, dans la ville de Gentry. Un matin, votre enfant ne ressemble plus exactement à ce qu’il était la veille. Puis, il dépérit et finit par s’éteindre quelques semaines ou quelques mois plus tard. Sauf que ce qui est mort, c’est le bébé de ces créatures. Le vrai, lui, a été arraché à sa famille pour servir d’animal de compagnie ou pour être offert en sacrifice. Mackie est le seul à avoir survécu à l’échange, et à être devenu presque humain.
Quand la petite sœur de Tate meurt, personne ne relève le fait que c’est une gamine de plus à décéder dans d’étranges circonstances. Tate a compris, elle, que ce n’est pas sa sœur qui est morte. Elle cherche la vérité auprès de Mackie, pressentant qu’il n’est pas un garçon ordinaire. Sauf que Mackie aussi aime bien se mettre la tête dans le sable.
Ce roman fantastique met en scène ce qu’on appelle dans la mythologie des « changelins » (leurres laissés par les créatures surnaturelles en échange d’enfants humains kidnappés). Il y est question de la famille et des liens de sang, de mystères, de sacrifices, de bien et de mal. Parfait pour les lecteurs intermédiaires, garçons ou filles (ce qui nous change agréablement des romances fantastiques exclusivement réservées aux filles).
Mon avis
L’atmosphère glauque est originale (si tant est que l’on puisse parler d’originalité à propos d’un thème aussi souvent exploité que l’existence d’un peuple monstrueux caché des humains) et vraiment très, très réussie : pluie qui tombe sans arrêt et à laquelle les habitants de Gentry finissent par s’habituer, crassier dans lequel on pénètre en enfonçant un couteau à lame d’os dans le sol, jolie petite fille à robe de princesse tachée et à la bouche pleine de dents acérées, mares stagnantes dans lesquelles flottent des noyées aux cheveux couverts de moisissures, etc. On se sent pénétré jusqu’aux os de cet air humide, lourd, macabre. D’ailleurs, la magnifique illustration de la couverture nous plonge dans l’ambiance avant même que l’on ait ouvert le livre.
Par contre, la narration est confuse par moments, les dialogues sont souvent décousus. Lorsque le lecteur est appelé à plonger dans un univers fantastique comme c’est le cas ici, il s’attend à ce que celui-ci soit expliqué clairement. Je ne sais pas si l’auteure a volontairement joué sur la confusion pour ajouter du mystère, mais ça m’a donné l’impression de mal comprendre le monde du roman, surtout au début.
Les descriptions des malaises, vertiges et haut-le-cœur de Mackie sont nombreuses, mais joliment variées et d’une grande justesse. On se sent presque faiblir à leur lecture. On compatit avec Mackie, sans pour autant avoir pitié de lui. Il réussit à jouer sur les deux tableaux, à susciter chez le lecteur des frissons d’excitation, tout en nous donnant l’envie de le protéger, de le sortir de cette situation désespérée. Comme si sa vérité nous ensorcelait. Un très beau personnage.
Mention spéciale également à la relation magnifique entre Mackie et sa grande « sœur », qui l’accepte même si elle sait qu’il a remplacé son véritable frère. Son amour fraternel pour lui est contre nature, inexplicable, désintéressé. Grâce à elle, on comprend pourquoi le monstre qui a remplacé bébé Malcolm a si bien tourné. Et on est heureux qu’il en ait conscience.
Si vous avez aimé, vous pourriez être tenté par Le cas Jack Spark et La couleur de la peur.
Merci à la maison d'édition Michel Lafon pour le roman!
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