S’il y a déjà eu quelques problèmes mineurs quand Pauline et Joachim étaient au primaire à cause de cette particularité de leur famille composée de deux mères, rien ne préparait l’adolescente à ce qui l’attend au lycée. Dès les premiers jours, les murmures se font insistants, dérangeants, vulgaires. Insouciant de son côté, découvrant l’amour pour la première fois dans les bras de Blandine, Joachim finit par se rendre compte que sa sœur est mise de côté et insultée quotidiennement. Grand et costaud, l’adolescent a rapidement mis fin à toute tentative d’intimidation et aimerait utiliser la même technique pour aider sa sœur, mais cette dernière se referme comme une huître et refuse son aide. De leur côté, leurs deux mères vivent aussi des moments plus difficiles et sont peu présentes. Maline, intervenante dans un foyer de jeunes en difficulté peine à survivre dans son milieu et Julie voit ressurgir le fantôme de sa mère qui l’a abandonnée lorsqu’elle a confirmé son choix de vie avec une autre femme.Les quatre membres de la famille traverseront donc un moment charnière avec, chacun, une façon différente de l’aborder...
C’est le regard de Joachim qui nous guide la plupart du temps dans Frangine, mais on suit aussi les autres personnages dans leur quotidien et dans les souvenirs d’enfance du narrateur qui dévoile ainsi des moments importants du passé de sa famille. Il est question d’homoparentalité et d’homophobie, mais aussi d’affirmation de soi et de convictions dans ce roman réaliste. Si l’auteure utilise un français très actuel et parlé, parfois un peu difficile à saisir pour un Québécois, les lecteurs intermédiaires n’auront pas trop de difficulté à suivre.
Mon avis
J’ai beaucoup, beaucoup aimé ce roman. Sachez toutefois qu’il ne se passe dans grand-chose dans ce récit qui est finalement une chronique du quotidien. Julie fait face au rejet de sa mère, Maline se cherche dans son boulot, Joachim vit ses premiers émois amoureux et Pauline sort du cocon dans lequel l’avaient gardée ses mères, faisant face à un côté plus sombre, plus laid, de l’école, mais aussi de la société en général. Et c’est justement une force de ce roman, de nous montrer que cette famille n’est finalement pas différente d’une autre.
J’aime aussi le fait que le narrateur soit masculin. Joachim est un adolescent typique auquel plusieurs pourront s’identifier et il nous permet aussi de sortir du thème de l’homosexualité en découvrant l’amour auprès de Blandine. Cela donne d’ailleurs lieu à des scènes mémorables et à des réflexions géniales.
Mais bon, le thème principal du récit est l’homoparentalité de Julie et Maline et la force de Frangine vient aussi du fait qu’on voit plusieurs réactions à la famille de Pauline et qu’on y devine le portrait d’une société où, ce mois-ci encore, des centaines de milliers de personne sont descendues encore cette année dans la rue pour protester contre le mariage gay. Il est question de la méchanceté des ados, de l’opportunisme des petites frappes, mais aussi du regard des profs, des parents des amis, des adultes en général. Personnellement, mais peut-être parce que je suis enseignante moi-même, la scène entre deux enseignants qui réagissent à l’exclusion de Pauline m’a vraiment touchée. Tout comme celle, magnifique quoique difficile, où Pauline réagit enfin et fait face à ceux qui sont, franchement, obscènes. J’ai aimé que les mots y soient crus parce qu’ils sont crédibles, terriblement réalistes. Et c’est ce qui rend cette lecture si triste par moment; ce réalisme de l’ensemble. En est-on vraiment là encore aujourd’hui, en 2013? Eh oui…
Si vous avez aimé, vous pourriez être tenté par Du soleil même la nuit et Will&Will.
Merci aux éditions Sarbacane pour le roman!
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