Entrevue avec Élisabeth Tremblay

 
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6 décembre 2011

J’ai découvert la série Filles de Lune au premier Salon du Livre jeunesse auquel je me suis présentée cette année et j’ai été tout de suite intriguée par ces univers de fantasy dans lequel plonge une jeune adulte contemporaine. J’ai poursuivi ma lecture, et suivi le fabuleux destin de cette série québécoise qui vient d’être adaptée au théâtre par une jeune trouve et qui sera éditée chez Pocket Jeunesse et Pocket au printemps 2012 alors que le cinquième tome vient de sortir. Entrevue avec une auteure imaginative et prolifique!
 
Combien de temps cet univers a-t-il mijoté en vous avant de devenir un roman?

J’ai commencé à écrire la série en 1999; c’était alors un projet qui s’adressait avant tout aux adolescents. En cours de route, l’idée initiale s’est modifiée due à l’arrivée de mon fils puis de son diagnostic de cancer. Naïla, l’héroïne, a gagné en maturité à travers mes propres épreuves et Filles de Lune est devenue une série grand public. 

Quelle part de vous y a-t-il dans Naïla de Brume?

(éclat de rire) Mes proches sont bien meilleurs que moi pour répondre à cette question puisque chacun y voit ce que j’ai inconsciemment transmis à Naïla… Mon impatience en fait assurément partie.

Avez-vous fait des recherches pour ancrer l’univers des Filles de lune dans une certaine réalité?

Oui, mais je confesse que je n’ai pas eu à en faire beaucoup puisque je connaissais assez bien les lieux dans Charlevoix ou en Estrie par exemple. J’ai lu sur la divination, le tarot et les lignes de la main. Enfin, j’ai dû me documenter sur le passé du Québec, mais je n’en dis pas plus puisque tous n’ont pas lu la série… Description : ;)

Avez-vous tiré une partie de votre inspiration de vos lectures?

Je pense que tous les écrivains le font, le défi est de rester au stade de l’inspiration. Il faut discipliner notre esprit pour ensuite stimuler notre imagination… 

Quel est votre support lors de l’écriture? 

L’ordinateur, le plus souvent. J’écris beaucoup à la main, mais jamais mes romans.

Pourquoi à l’ordinateur? Faites-vous plusieurs brouillons en gardant les traces, ou êtes-vous plus du type à effacer ce que vous trouvez moins bon?

Je travaille surtout à l'ordinateur pour la facilité d'y intégrer des changements et des corrections et je conserve une trace de toutes les versions, de la première à la dernière. Je relis par contre le texte en entier sur papier à au moins deux reprises et je corrige alors à la main pour retranscrire ensuite les corrections sur le document Word. La version papier permet d'avoir une meilleure vue d'ensemble des modifications puisque je vois les ratures et les ajouts dans les marges et au verso des feuilles... J'avoue cependant que, si cette étape donne un aspect plus concret au retravail, elle peut parfois aussi être légèrement démoralisante... Surtout sur les corrections à apporter sont nombreuses...

Faites-vous un plan avant de commencer un roman?

Non, je n’ai pas le moindre talent pour les plans et j’ai la fâcheuse habitude de ne pas les suivre… 
Le récit finit toujours par emprunter une voie contraire ou parallèle à celle que je souhaitais lui donner… Je ne désespère cependant pas d’y parvenir un jour… 

Aviez-vous toute l'histoire en tête au moment de commencer à écrire le premier tome?

Non. Ou plutôt oui, mais elle a tellement évolué en cours de route que je ne peux plus dire que c’est l’histoire initiale que j’achève de raconter dans le dernier tome.

Est-ce que vous êtes donc surprise de l’endroit où vous êtes rendue dans votre écriture?

Oui, je suis parfois surprise lorsque je regarde où mes personnages m'ont conduite... et en même temps, je me dis que je dois m'y attendre à ces surprises puisque j'ai accepté de me laisser guider par eux... Les personnages que l'on crée sont comme des enfants; ils prennent vie et ont une existence qui leur est propre... Je ne fais qu'écrire l'histoire qu'ils me racontent...

Qu’avez-vous eu le plus de plaisir à écrire dans votre roman? 

Les scènes entre Naïla et Alix. Ces deux-là sont un réel plaisir à faire évoluer l’un par rapport à l’autre. 

Le moins de plaisir?

J’aurais préféré ne pas assassiner certains personnages, même si je sais que c’était nécessaire…

Est-ce que vous aimez la réécriture et tout le travail nécessaire suite au premier jet?

Je préfère de loin la réécriture à l’écriture elle-même. Je considère que le plus dur est alors derrière moi et que je peux enfin me concentrer sur les détails et peaufiner mon texte, lui donner davantage de profondeur et enlever le superflu. Le retravail est vraiment la partie la plus intéressante. 

Quel public est intéressé par Filles de Lune? Êtes-vous surprise?

J’ai un très large public qui va d’aussi jeune que 9 ans et jusqu’à 92 ans. Dans le premier cas, c’est la mère qui m’a présenté sa fille avec une incroyable fierté et dans le deuxième, c’est l’arrière-petite-fille, aussi fan de la série, qui est venue me parler de son aïeule. Bien sûr, ce sont les extrêmes. Description : ;) Entre les deux, il y a beaucoup d’adolescentes et de jeunes adultes. J’ai aussi un bon public masculin, ce qui m’étonne davantage, mais surtout, c’est ce dont je suis le plus fière. Il n’est pas évident d’accrocher des hommes pour une série qui s’intitule Filles de Lune et dont les couvertures québécoises ont un net penchant féminin… 

Au bout de cinq tomes, êtes-vous toujours aussi passionnée par l'écriture de Filles de Lune

Après 5 tomes, j'avoue que j'ai besoin de prendre une pause de cet univers qui m'habite depuis si longtemps. Je ne dis pas que je n'y reviendrai jamais, mais je pense qu'il est sain pour moi de me consacrer à de nouveaux personnages...

Êtes-vous une amatrice du genre fantastique? Une grande lectrice?

J’aime la littérature fantastique, mais je suis avant tout une lectrice éclectique. Je lis beaucoup sans jamais me confiner à un genre en particulier. J’aime les découvertes… 


Je sais que vous tenez un blogue sur Filles de Lune. Qu’est-ce que ce contact direct avec vos lecteurs vous apporte?

La possibilité d’échanger n’importe où, n’importe quand, et sur les sujets les plus divers. Avec internet, les auteurs sont plus accessibles que jamais aux lecteurs et je pense que c’est pour le mieux. Le blogue me permet également d’être en contact avec mes collègues à l’année et non uniquement dans les salons du livre. 

Est-ce que le contact avec d’autres auteurs vous nourrit, vous inspire?

Les contacts avec d'autres auteurs sont toujours enrichissants. Ils nous permettent d'échanger sur de multiples sujets se rattachant non seulement à l'écriture elle-même, mais à tout ce qui gravite autour de la création... Et puis, on se sent alors un peu moins seuls que lorsque nous sommes en tête à tête avec un écran ou une feuille de papier! 

Étant donné le succès de la série en France, est-ce que vous trouvez que les lecteurs français sont différents des lecteurs québécois? Est-ce que la série a été "adaptée"?

Le texte des livres français est identique à celui des tomes québécois, à l'image des lecteurs qui se ressemblent aussi beaucoup. Les commentaires que je reçois de nos cousins diffèrent peu de ceux que m'écrivent les lecteurs d'ici... Comme quoi une bonne histoire est universelle.

La série Filles de Lune a aussi été montée en pièce de théâtre. Avez-vous participé à l’écriture de cette pièce?

C'est Isabelle Lavoie, fondatrice du Théêtre In Extenso, qui a fait le travail d'adaptation. Je n'ai pas participé à l'écriture, si ce n'est pour répondre à ses diverses questions sur l'histoire de Naïla. Je lui ai laissé «carte blanche», convaincue qu'elle ferait un excellent travail. Et ce fut effectivement le cas! 

Je n'aime pas qu'on regarde par-dessus mon épaule quand j'écris; je deviens incapable de me concentrer et mon travail s'en ressent. Je me suis dit que ce serait pareil pour Isabelle si je tentais de m'ingérer dans son travail d'adaptation... D'ailleurs, je n'écris pas de théâtre et je n'y connais que peu de choses... Faut savoir reconnaître ses limites et faire confiance aux gens...

Qu’est-ce que cela vous a fait de voir vos personnages prendre vie ainsi? Quand vous écrivez, voyez-vous l’histoire dans votre tête? Est-ce que la pièce vient bousculer ces images? 

Il est impossible pour moi de décrire exactement ce que j'ai ressenti en voyant mes personnages vivre sur scène... C'est un mélange d'une multitude de sentiments, certains plus difficiles à cerner que d'autres. Je peux toutefois te dire que j''ai ri, souri, eu envie de pleurer, senti la chair de poule parcourir ma peau, écarquillé les yeux et même retenu mon souffle lors de scènes particulièrement exceptionnelles! 

Il faut préciser que ce qui devait être une lecture publique était en fait un hybride entre la lecture publique et la pièce de théâtre. Les interprètes étaient costumés, interagissaient et souvent, savaient leur texte par coeur. J'ai donc été impressionnée par le jeu des comédiens et le réalisme troublant de certains passages. C'est une chose d'écrire des scènes de viol et de torture dans un bouquin, s'en est une autre de les voir transposé au théâtre... J'ai parfois eu l'étrange impression de ne plus être dans une salle, mais plutôt dans ma propre tête... Ce que j'avais si souvent «vu» par le truchement de mon imagination vivait devant moi et je me suis laissée porter...

Les images que j'avais de mon univers n'ont donc pas été bousculées, mais se sont plutôt superposées à celles qui naissaient sous mes yeux, pour créer quelque chose de nouveau que j'ai réellement adoré! 

Je pense qu'il n'y a pas plus beau cadeau pour un auteur que de voir son oeuvre continuer à vivre longtemps après que la dernière ligne fut écrite... 

Faut-il être un gros lecteur pour être un bon auteur?

Je pense que oui. Je m’imagine mal un auteur qui n’aurait jamais lu. Pour écrire, il faut d’abord aimer lire et avoir envie de transmettre cette passion… 

Quels sont vos conseils à ceux qui écrivent, mais qui ont peur de ne pas être bons?

Honnêtement, je déteste donner des conseils, peu importe à qui. Je dirai seulement qu’il ne faut jamais cesser de croire en ses rêves et avoir une inébranlable confiance en soi. C’est cliché, je sais, mais c’est tellement vrai. 

Si vous gagnez un Oscar pour la meilleure adaptation de roman, à qui allez-vous le dédier?

Ma famille, qui doit supporter mes périodes d’écritures et de retravail. Vous n’imaginez pas ce que mon mari et mes enfants endurent… (sourire en coin) Leur patience et leur compréhension n’a pas de prix. 

Rafale lecture!


Quel roman a marqué votre adolescence?

L’espace d’une vie de Belva Plain. 

Quel est le livre sur votre table de chevet?

J’ai toujours plusieurs livres qui traînent avec des signets à l’intérieur. J’y vais selon mes humeurs et les circonstances. 

Dans quel endroit préférez-vous lire?

Dans le bain… 

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous?

N'importe lequel, pourvu qu'il soit, pour son lecteur, porteur de rêves et d'évasion... 

Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui ont adoré votre lire?

La série Outlander, de Diana Gabaldon jusqu’au 5 ou 6e tome environ. Après, la dame a un peu tendance à étirer la sauce. Les premiers sont toutefois un réel plaisir à lire…
 
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