Des romans adaptés pour le Québec

 
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1er juin 2012

Alors que je posais quelques questions à Nicholas Aumais, conseiller littéraire chez Bayard Canada, pour préparer mon billet sur Qui es-tu papa?, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ce roman avait été adapté pour le Québec. Vraiment? Qu’est-ce que ça signifie, adapté pour le Québec? Vous me connaissez, j’ai fait ma curieuse et j’ai eu la chance de poser quelques questions à Gilda Routy, directrice commerciale des livres français.

Mme Routy, pourquoi ce livre a-t-il été adapté pour le Québec?

Qui es-tu papa? a d’abord été publié chez Bayard France. Quand nous avons lu le manuscrit, nous avons adoré l’histoire et puis rapidement on a eu envie de faire une édition pour le Québec et le Canada parce qu’Allan est Canadien et qu’on voulait l’amener faire des tournées dans des écoles. Donc c’était clair que, pour un livre avec le nom d’une maison d’édition canadienne, il fallait que la traduction, faite à la base pour des Français, ne comporte plus de termes comme CM1, lycée, etc. C’est pour ça qu’on a dû adapter.

C’est donc la traduction qui a été adaptée ?

Oui. Allan nous a d’ailleurs raconté que son livre a été acheté par un éditeur anglais et que, même en Angleterre, il y a eu un travail sur le texte qui a été fait pour le rendre plus près de la réalité des jeunes.

Mais ce n’est pas si fréquent en littérature, non?

Si, pour la jeunesse oui. Pour les adultes, non. Pour la jeunesse, oui.  Nous, par exemple, on a les éditions québécoises de Pomme d’Api et de J’aime lire, alors on prend les histoires françaises et puis on change le vocabulaire (moufles : mitaines).

Qui décide de faire ces adaptations?

Les éditeurs décident (dans le cas de Qui es-tu papa?, c’est moi qui ai pris la décision), les correcteurs le font. En fait, quand on rachète des livres faits par les Anglais, on fait parfois des partenariats avec des maisons d’édition françaises, particulièrement quand le livre est lourd. On partage alors les coûts de la traduction, puis chacun apporte des modifications locales.

Quels romans sont plus susceptibles d’être adaptés?

On voit souvent ces adaptations quand il y a beaucoup de dialogues dans un livre. Lors des conversations, entre jeunes ou avec les parents, il leur arrive de s’invectiver avec des référents qui ne sont pas les nôtres, donc plus difficiles à saisir. Mais pour ça, il faut qu’il y ait un éditeur canadien qui ait envie de reprendre le texte, parce que c’est un gros travail quand même. Par exemple, sur Qui es-tu papa?, nous avons fait plus de 800 modifications sur le texte.

D’ailleurs, parlant de ces adaptations, voici le début du chapitre 7 dans la version française :

À l’extrémité de Valley Park Road, j’ai suffisamment repris mon souffle pour raconter mes déboires à Andy et Marty.
Andy siffle.

- Qu’est-ce que ton père va dire quand il apprendra que tu as décampé au lieu d’aller chez le proviseur?
- Je n’ose pas y penser. Entre Eddy, McGregor et papa, je crois que je peux faire mon testament. Alors, les mecs, soyez sympa : on n’en parle plus, d’accord? Je veux avoir un week-end de répit avant de mourir.

Andy s'engage sur le périphérique intérieur pour aller prendre l'autoroute. Je sors de mon sac de sport un jean et un sweat à capuche à l’effigie des Sabres de Buffaloet j’ôte mon uniforme de l’Académie. Soudain, une pensée me frappe. Il manque quelqu’un. 

Une célèbre équipe de hockey sur glace. 

Voici maintenant le même texte, mais avec les annotations du correcteur :



Et voici le texte final de l’adaptation du Québec : 

À l’extrémité de Valley Park Road, j’ai suffisamment repris mon souffle pour raconter mes déboires à Andy et Marty.
Andy siffle.

- Qu’est-ce que ton père va dire quand il apprendra que tu as décampé au lieu d’aller chez le directeur adjoint?
- Je n’ose pas y penser. Entre Eddy, McGregor et papa, je crois que je peux faire mon testament. Alors, les gars, soyez cool : on n’en parle plus, d’accord? Je veux avoir un week-end de répit avant de mourir.

Andy va prendre l’autoroute. Je sors de mon sac de sport un jean et un coton ouaté à capuchon à l’effigie des Sabres de Buffalo1 et j’ôte mon uniforme de l’Académie. Soudain, une pensée me frappe. Il manque quelqu’un.

1 Une célèbre équipe de hockey.

Au final, pas énormément de transformations, mais des termes modifiés pour faciliter la compréhension. Que pensez-vous de cette idée d'adapter les textes plus localement? Pour ma part, je rêve de voir Guerre: Et si cela nous arrivait? à la sauce québécoise. Dans ce cas-ci cependant, il faudrait plus qu'une modification du vocabulaire, mais bien une transformation de l'histoire pour qu'elle se passe à Montréal plutôt qu'à Paris. À quand un Gallimard Canada? 
Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
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Antoine (01.06.12 à 16 h 52)

Le même phénomène de localisation se retrouve aussi fréquemment dans les jeux vidéos qui sont adaptés aux différents marchés régionaux. Cependant, de par sa taille, le Québec est souvent soit assimilé à la France (en raison de la langue), soit aux États-Unis (en raison de la géographie).

La chance des joueurs québécois est d'avoir de nombreux studios basés à Montréal et à Québec, lieux dont les créateurs s'inspirent et qui permettent d'avoir une impression de familiarité avec les décors et les ambiances reproduites dans ces jeux.

Une même approche serait-elle possible pour le monde de l'édition ?

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