Une nouvelle collection fait une apparition colorée dans les librairies: Il était un jour... chez Scrinéo. Romans historiques visant un public à partir de 10 ans, ces titres proposent des histoires surprenantes et peu connues du public même si certaines mettent en scène des personnages historiques importants. Sous la direction d’Arthur Ténor, Béatrice Bottet propose donc une intrigue autour de l’adolescence de Toutankhamon, Lorris Murail lève le voile sur un pan du passé de la Comtesse de Ségur, Éric Simard s’intéresse à ce qui est arrivé au dernier Panchen-Lama et Yaël Hassan parle des enfants Finaly, enlevés par des extrémistes religieux. L’éventail de thèmes est donc large pour cette collection qui est dynamique et pourra en intéresser plusieurs. À l’occasion de sa sortie, j’ai d’ailleurs eu envie de m’entretenir avec Arthur Thénor, auteur mais aussi directeur de collection d’Il était une fois, et Béatrice Bottet !
Arthur Ténor : Il est parfois difficile de se souvenir d'où vient une idée, que ce soit pour un roman ou une collection de romans. Ce peut être un “ déclic ”, une révélation ou l'aboutissement d'un long mûrissement. En l'occurrence, l'idée est le fruit d'un cheminement d'envie : écrire et faire écrire des récits historiques qui ne soient pas des biographies, mais UN événement extraordinaire dans un destin d'exception. Des héros jeunes... En tout cas je souhaitais que ces histoires soient vraiment peu ordinaires et humainement (émotionnellement) puissantes et frappantes. Les quatre premiers romans sont à la hauteur de nos attentes et même bien au-delà!
Arthur Ténor : Pour une collection aussi exigeante, il fallait des auteurs de talent, confirmés, bref en qui nous pouvions avoir confiance... et partant pour l'aventure ! Très simplement, j'ai soumis le concept à quelques-uns de ces auteurs, dont certains que je connaissais bien. Les premiers à avoir répondu à l'appel nous ont soumis une idée. Je n'ai dès lors eu pour rôle que de demander des précisions, suggérer quelques orientations. Évidemment, ces propositions étaient excellentes. Les auteurs ont eu carte blanche pour écrire leur « Il était un jour... »
Béatrice Bottet : Je connais depuis longtemps Arthur Ténor, qui avait été pressenti pour être directeur de cette collection, et c’est lui qui m’a directement demandé si je voulais bien participer à l’aventure. Un article sur Toutankhamon que j’avais fait pour la revue l’Éléphant avait plu à l’éditeur et il a pensé à moi pour un ouvrage sur ce pharaon. C’est Arthur qui a relayé la demande.
Béatrice Bottet : J’aime bien les univers historiques dans lesquels un certain fantastique est à l’œuvre, et même si possible un fantastique historiquement daté (par exemple la magie au Moyen Âge, la chasse aux sorcières à la Renaissance, le monde des fantômes au XIXe siècle), mais je ne suis pas déboussolée par un univers plus réaliste, sans fantastique. Dès qu’il s’agit d’Histoire (avant les années 1900 — après cela, l’Histoire m’intéresse moins), je suis partante.
Arthur Ténor : L'Histoire contient toutes les histoires les plus incroyables qu'un auteur puisse imaginer. On y trouve des périodes où le pire de l'homme affronte le plus immonde. On y croise des génies et des héros quasi surnaturels (surhumains ?), des événements qui dépassent l'entendement et même l'imagination. C'est sûr, le passé est une mine inépuisable de grandes et belles histoires. Il suffit d'y puiser.
Arthur Ténor : C'est un travail éditorial complet, la validation finale revenant bien sûr à l'éditeur. Il s'agit de proposer des idées (étudier avec l'éditeur leur faisabilité, leur intérêt, les affiner et les préciser en un concept séduisant...). Il faut lire et, par nécessité, donner un avis... argumenté ! Et croyez-moi, c'est très délicat, puisque nous sommes là dans le domaine de l'art, donc de la complexe alchimie du cœur et de la raison, de la subjectivité et du réalisme... Il est très possible de refuser un bon roman parce que son thème ou son traitement n'entre pas dans les attentes éditoriales de la maison. Dire non, n'est jamais agréable, et malheureusement c'est plus fréquent que le contraire. Ce qui est plus embarrassant, c'est quand il faut expliquer à un auteur qui n'est pas encore... comment dire ? Mûr? Professionnel ? Talentueux ? Qu'il n'est pas prêt pour l'édition. C'est plus facile quand le texte présente des faiblesses, du point de vue du directeur de collection (puisqu'il n'est pas infaillible), car le devoir de ce dernier est de s'expliquer. Et parfois, souvent même, l'auteur reprend son travail et le fait aboutir en une œuvre digne d'être offerte à l'appétit des lecteurs.
Béatrice Bottet : Toutankhamon m’intéresse depuis que j’ai une douzaine d’années, et que mes parents m’avaient offert le livre de référence « Vie et mort d’un pharaon », de l’égyptologue Christiane Desroches-Noblecourt, dans les années 60. J’ai toujours gardé cet ouvrage exhaustif qui garde une grande partie de son actualité, mais en 50 ans, l’égyptologie a fait des progrès, en particulier grâce à l’ADN, et disons que je suis l’affaire.
Béatrice Bottet : Quand je me mets à l’écriture d’un roman historique, je connais en général le contexte et les faits de civilisation, dans les grandes lignes. Dès que j’ai un sujet, je me plonge dans des documentations diverses plus fouillées, plus précises. J’achète beaucoup d’ouvrages, les bibliothèques sont des lieux précieux, et internet a changé la vie de beaucoup d’auteurs et d’historiens, ne serait-ce qu’en proposant une abondante iconographie, pas exhaustive cependant. J’ai cherché sans la trouver une iconographie complète des bas-reliefs des tombes de Tell-el Amarna, et j’ai fait chou blanc.
Béatrice Bottet : Aucune en particulier. Comme souvent, une fois la ligne générale trouvée, je me suis laissée porter par l’écriture. En général, une fois l’amorce écrite, le premier chapitre troussé, je n’ai pas de mal.
Néanmoins, j’ai déployé dans la préface mille alertes : ceci est un roman. Si on connaît la momie de Toutankhamon et le contexte historique, en particulier l’hérésie d’Akhenaton et le retour conventionnel à la religion d’Amon, si on pense connaître à peu près la structure de sa famille, qui est compliquée, incestueuse et révélée grâce aux très récentes recherches ADN, on est totalement ignorant de la vraie vie de Toutankhamon, et des relations avec les siens, aussi bien en famille que dans le contexte politique. Je n’ai pas fait œuvre d’historienne, j’en suis bien incapable, mais de romancière sérieusement documentée.
J’aime bien expliquer en début ou fin d’ouvrage ce que révèle la documentation (liste des personnages historiques, arbre généalogique, contexte, mœurs, religion), ce qui peut également se révéler utile dans une lecture scolaire ou pédagogique. J’espère que cela prouve le sérieux de ma démarche, même à travers un roman.
Béatrice Bottet : J’ai été très touchée et flattée de la proposition de participer à la première vague de publication. J’en ressens une vraie fierté. J’espère que la collection connaîtra un bel avenir et que je serai sollicitée pour d’autres ouvrages !
Arthur Ténor : Facile non... et oui. Il faut bien sûr faire abstraction de ses propres goûts, de sa personnalité et même dirai-je de ses affinités avec les auteurs que le plus souvent je connais personnellement. Quant à changer des choses au travail des autres, ce n'est sûrement pas ainsi que j'envisage mon rôle. Je suis d'abord un lecteur (je profite du plaisir de la découverte et de la lecture). Ensuite... un lecteur (un regard extérieur qui verra des incohérences, ou se posera des questions ou émettra des doutes). Enfin, un écrivain qui a une certaine expérience et peut faire de suggestions qui sont ou non retenues par l'auteur. Je considère que nous ne fabriquons pas des savonnettes à formater comme si les écrivains étaient des machines à produire du texte, mais des œuvres d'art. Et une œuvre d'art peut avoir ses imperfections (ou ce qui peut passer pour telles à des regards extérieurs). L'oeuvre est un tout qu'il faut savoir respecter. C'est ce que j'attends moi-même dans mon travail personnel de mes relations avec ceux qui me font l'honneur de m'éditer. Là, comme dans bien des domaines de la vie, le mot RESPECT est au cœur de notre collaboration les uns avec les autres.
Arthur Ténor : J'espère bien ! D'autant que j'ai plein d'idées !
Arthur Ténor : Au début, quand ma vocation a pointé le bout de son nez, j'étais très enthousiaste à créer des mondes et à coucher mes visions et mes idées sur le papier... beaucoup moins pour corriger mes fautes d'orthographe. Mais j'ai vite compris que pour réussir (dans ce métier comme dans n'importe quel autre d'ailleurs) il fallait, non pas un minimum, mais un maximum de rigueur, même si sa personnalité s'en accommode mal. Je me suis donc mis à relire mes œuvres (d'amateur) et les relire et les relire encore pour traquer la moindre horreur. Et il m'a fallu en parallèle me perfectionner en français (sortir le Bled des cartons, faire tous les exercices et apprendre par cœur toutes les règles.) Comme je le dis souvent, on ne naît pas écrivain, on le devient. Pour moi ce fut un long chemin, mais enfin, aujourd'hui j'y suis parvenu et, tenez-vous bien, j'aime tout dans mon métier, même corriger mes horreurs orthographiques.
Béatrice Bottet : Ce que j’aime, c’est… le tout !
D’abord plonger dans la documentation, même pour des détails qui pourraient sembler infimes. Quand la mode vous fait-elle porter des dentelles ? Connaissait-on l’artichaut au Moyen Âge ? Combien de temps pour aller en malle-poste de Bordeaux à Paris au XVIIIe siècle ? Peut-on déjà porter des lunettes à la Renaissance ? Toutes les femmes portent-elles un corset à la Belle Époque ? Combien coûte un verre de vin au cabaret en 1850 ? Je lis et je farfouille pour des détails de ce genre.
Ensuite trouver une situation de départ, un décor, et des personnages capables de prendre en main toute l’histoire. Je ne fais pas de plan, mais j’ai dans la tête quelques scènes qui s’imposent de moi-même, que je ne « cherche » pas, souvent justement les scènes d’ouverture, mais pas toujours. Dans ce cas, je les case quand la situation romanesque est mûre. Ce sont toujours les personnages qui agissent et font avancer l’histoire. Je sais bien que « je suis les personnages », car mon inconscient agit souvent malgré moi, et je vois mes personnages être assez dans le même fil, mais je les laisse faire et j’attends de voir.
Enfin l’écriture. J’aime beaucoup faire des phrases, laisser l’écriture elle-même se dérouler.
Ce que je n’aime pas ? La post-production, si je peux dire. Une fois mon manuscrit livré à l’éditeur, devoir corriger et changer des passages entiers. C’est trop long, c’est trop court, il faut changer tel épisode, raccourcir tel dialogue, simplifier le vocabulaire ou la structure des phrases. Souvent cela me semble une mutilation de « mon enfant d’imagination ». Certains éditeurs sont plus interventionnistes que d’autres, qui me laissent davantage de liberté, mais je comprends les arguments de tous et je m’y plie (plus ou moins volontiers…).
Béatrice Bottet : Une immense fierté. Beaucoup de mes romans ont été publiés, et c’est pour moi, quand je reçois mes premiers exemplaires, un sentiment d’émotion et de fierté. Je ne suis pas blasée ou indifférente à cela. Voir pour la première fois mes romans dans les grandes librairies m’a fait déborder d’orgueil. Ce que je fais, eh bien il n’y a pas tant de monde qui le fait ! Je me dis souvent : je l’ai fait, j’ai réussi non seulement à écrire des livres, mais à ce qu’ils soient publiés, lus, critiqués, et qu’ils me nourrissent. C’est mon métier, je le fais sérieusement, mais avec un plaisir de création qui n’est pas donné à tout le monde, et je trouve que j’ai un beau destin sur ce plan. Ce métier semble fascinant à quelques personnes de mon entourage, qui trouvent que c’est magique. Je suis à la fois habituée et jamais habituée à ce métier et à ces parutions.
Arthur Ténor : À la fois de la joie et de la fierté, c'est bien naturel, mais aussi de l'inquiétude. Comme à la naissance d'un enfant. Quel sera son destin ? Aura-t-il du succès ? Peut-être deviendra-t-il célèbre (et moi riche ! ;) ? Bon, si ce n'est pas le cas, sa naissance même est déjà un beau cadeau.
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Quelle belle idée que cette collection de romans historiques pour la jeunesse! Je suis d'autant plus curieuse de la découvrir que Yael Hassan et Lorris Murail comptent parmi mes auteurs préférés, et que je suis une grande lectrice de la Comtesse de Ségur. Merci pour ce concours, et j'espère avoir la chance de gagner la collection!