Métis

 
  • Jean-François Tremblay a aimé ce livre
     
  • Partager ce billet
     
  • Fiche technique
Jean-François Tremblay a aimé ce livre
Billet rédigé par Jean-François Tremblay, enseignant

Pour son père, Shipouln, d'origines autochtones, il est Pien; pour sa mère, Flore, une Blanche, il est Pierre. Loin de la ville, dans un camp de bucherons perdu au nord du Québec, Pien raconte les histoires marquantes de sa jeunesse dans les années 50 et 60.

Le lecteur apprend, dans les notes du début, que l'histoire de Pien est en réalité un récit principalement autobiographique de l'auteur, Michel Noël. Ce dernier dévoile d'emblée la mort précoce des quatre membres de sa famille. De quoi sont-ils morts? De misère, laisse-t-il tomber.

Mais entre les difficultés de la vie dues à la pauvreté, à l'isolement, à la rudesse de la nature et aux drames sociaux, on retrouve aussi la beauté de la vie quotidienne d'un enfant métis vivant parmi les Blancs et les Algonquins. Sa relation avec son père, les traditions autochtones et la lutte pour la justice occupent également une grande part du livre, divisé en plusieurs courts chapitres, racontés chacun comme une tranche de vie. Métis, une réécriture du roman « Pien », qui s'est mérité le Prix du Gouverneur général en 1997, convient à un lectorat de 12 ans et plus animé par l'histoire, la réflexion et la spiritualité.

Mon avis

D'entrée de jeu, l'auteur – l'inspiration de Pien – se définit comme un survivant de la misère. Vrai qu'il nous en donne une bonne dose! Toutefois, les mots choisis à la page de dédicace résument à mon avis mieux l'ambiance du livre. À sa famille décédée, Michel Noël dit : « Merci de m'avoir fait rire et pleurer. » La jolie couverture abonde aussi en ce sens : sur l'arbre coupé, un jeune garçon regarde la beauté de la nature, entouré d'autres arbres qui repoussent sur la mort. La vie n'est pas un long fleuve tranquille… Et à la lecture de Métis, malgré les drames vécus, la vie nous semble surtout lumineuse.

Inspiré et poussé par un grand auteur, Michel Noël a écrit son récit autobiographique comme un témoignage d'une époque révolue et d'une vie tumultueuse. Son histoire, tellement riche, est au départ un peu difficile à suivre et moins accrocheuse : on a l'impression qu'elle va dans tous les sens. Or, les chapitres finissent par dresser un portrait cohérent et explicite de la vie de l'époque dans les camps de bucherons, entre Blancs et autochtones. Mais surtout, plus le livre avance, plus il semble se concentrer sur l'héritage que Pien a pu recevoir de sa famille, de ses amis, et surtout, de ses origines autochtones. Plusieurs histoires et légendes, très évocatrices, sont de puissantes leçons de vie spirituelles, chacune guidant le jeune homme en devenir. Souvent racontées par son père, elles mettent d'ailleurs en relief toute l'affection et la confiance que son celui-ci voue à son fils et que, subtilement, il lui témoigne. La relation entre les deux est magnifique. Alors que le garçon grandit et voit son monde se bouleverser, alors que les injustices ne cessent de croître, l'héritage de son père sait le ramener à l'essentiel et à la beauté.

« Regarde, Pien. Regarde comme c'est beau. »

Comme Shipouln ne cesse de le dire à son fils : « Nibimatisiwin! », lève-toi et prends la parole, instruis-toi et élève-toi. Un paradoxe se pointe néanmoins, invariablement. Malgré la sagesse des peuples des Premières Nations, l'instruction leur manque cruellement. Et pour ce faire, l'éducation chez les Blancs devient incontournable. Comme en fait foi Métis, cette scolarisation des autochtones est malheureusement venue, trop souvent dans l'histoire, avec des abus de certains. L'auteur y raconte entre autres l’arrivée d’un prêtre pédophile, forcé à l'exil chez les autochtones, et l'éloignement de sa grande sœur dans un couvent qui la traumatisera. À ce propos, l'ancienne juge en chef de la Cour suprême du Canada a, en 2015, qualifié l'ensemble de cette scolarisation massive des autochtones au Canada de génocide culturel, rien de moins!

« On se fait crosser par les politiciens, fourrer par les curés, voler par les gardes-chasse, appauvrir par les compagnies forestières. Faut que ça cesse. Notre survie est en danger. »

Que reste-il aujourd'hui de toute la richesse et la sagesse de la culture des peuples des Premières Nations? La couverture sous-entend-elle que l'auteur a vécu le crépuscule de leur existence? Les plus optimistes diront que c'est peut-être plutôt l'aube d'un nouveau jour. Chose certaine, Michel Noël a livré, avec Métis, un précieux témoignage culturel qui, à l'instar du Soleil, éclaire et illumine.

Merci à Bayard Canada pour le roman!

Billet corrigé par Antidote 9 juste avant d'être publié par Jean-François Tremblay le 7 mai 2019.

Vous avez aimé le billet ? Procurez-vous le livre…

Métis
Michel Noël
Jean-François Tremblay a aimé ce livre
sur leslibraires.ca.

Si vous avez aimé, vous pourriez être tenté par...

À la recherche du bout du monde
À la recherche du bout du monde
Premier qui pleure a perdu (Le)
Premier qui pleure a perdu (Le)
Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)

Ajoutez votre voix à la conversation

Nouveau commentaire

(ne sera pas affiché)
Votre commentaire :

Ce site aime la langue française, merci de ne pas trop la maltraiter dans votre commentaire.
ANTI-SPAM : Combien font 2-1, écrit en lettres ?
Réponse : (indice : entrez un chiffre inférieur à deux)
• • • •
Métis
Michel Noël