Miriam haït tout. Son corps, immense, tant en hauteur qu’en largeur. Ses poils roux. Sa mère trop rose, trop pailletée, trop dans le déni. Le fantôme de son père. Les policiers qui ne font rien pour l’aider. L’école et tous les débiles qui viennent avec. Son boulot. Elle-même, surtout. C’est ce qui explique qu’elle a tenté de se pendre, d’ailleurs, mais comme elle ne réussit rien, ça aussi, elle a raté.
Et maintenant, elle doit tenir un journal. Ou plutôt deux. Un que sa mère cherchera et lira, version soft, l’autre plus réel, version je dégueule ce que j’ai sur le cœur.
Ce ne sera pas beau. Enfin, du moins jusqu’à ce que tous les mensonges éclatent.
Récit psychologique qui donne la parole à une narratrice intense et parle de famille, d’adolescence, d’hyperphagie, d’intimidation, de la rencontre de l’autre et de la difficulté de faire face à sa propre histoire, Hyper vise un public avancé… et avisé !
Miriam est un ognon, elle le dit elle-même au cours du récit, et sa créatrice Emilie Chazerand a un peu suivi ce processus pour bâtir son histoire. Au début, on est dans les couches extérieures brutes, et ça décape, au point où j’ai douté. Et j’aurais peut-être abandonné si je n’avais pas tant aimé Annie au milieu de la même autrice, mais je me suis accrochée même si j’ai longtemps détesté Miriam (et que c’est compliqué d’apprécier une lecture quand le personnage principal nous énerve).
Il faut dire que rien n’est aisé au départ. D’abord, il faut se faire au contexte, c’est-à-dire qu’on comprend vite que Miriam doit écrire un journal intime et, grâce à un changement de typo bienvenu, qu’il y en a en fait deux distincts : une premier pensé pour sa mère trop curieuse, donc en mode cynique quand même, mais édulcoré, puis un deuxième dans lequel l’adolescente livre le fond de sa pensée. C’est là qu’on découvre une Miriam malheureuse prise dans un corps énorme, qu’elle nourrit de ses craintes, de sa culpabilité surtout (ce qui est révélé peu à peu), de la violence des autres et qu’elle dévoile sa vulnérabilité notamment dans des scènes d’hyperphagie qui pourraient éveiller la sensibilité du lectorat. De façon générale, Miriam râle contre tout, tout le temps et ça peut vraiment énerver. Néanmoins, on traverse aussi ce livre en se demandant comment elle fait, en effet, pour endurer tout ça (du coup, je la juge et je me juge de la juger…). C’est quand même dingue, tout ce qu’elle traine, ce qu’elle garde et ce qu’elle surmonte, et ce, malgré tous les adultes inadaptés de son entourage (pas tous méchants, mais tous inadaptés), du moins jusqu’à l’arrivée de Matsuno.
Les scènes avec le psychologue sont mes préférées, mais je dois dire que ce qui a sauvé ma lecture, c’est que je suis allée lire la fin. Miriam me soulait trop, je comprenais ses malheurs, mais j’avais du mal à ressentir de l’empathie. Notamment parce qu’il manque un solide morceau de son histoire, révélé à la toute fin. Je vous encourage à ne pas vous le divulgâcher comme je l’ai fait, mais si vous avez l’impression que vous n’en pouvez plus de Miriam, allez-y. Dans mon cas, ça a modifié mon rapport à cette héroïne à l’humour abrasif et j’ai enfin pu être enfin touchée par sa sensibilité.
En bref ? C’est cru, c’est fort, c’est intense, ça ne vous laissera pas indifférent·e (mais ça se peut aussi que ça vous énerve. Beaucoup).
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