L'Âge des miracles

Billet rédigé par Eve Patenaude

Un samedi matin, alors qu’elle s’apprête à déjeuner avec sa meilleure amie restée à coucher la veille, Julia apprend la nouvelle qui changera sa vie et celle du monde entier : la vitesse de rotation de la Terre s’est mise à décroître. La journée de 24 h a gagné plusieurs minutes. Et le temps continue de ralentir, raison pour laquelle le phénomène a été baptisé le « ralentissement ». Chaque jour, le temps s’étire un peu plus. Le champ gravitationnel est affecté, les oiseaux s’écrasent sur le sol, bouger requiert plus de force. Rapidement, le gouvernement américain (aussitôt secondé par les autres pays) intervient pour éviter le chaos, et les cycles de 24 h sont rétablis. Les activités humaines ne coïncideront plus désormais avec le lever et le coucher du soleil. La population se divise alors en deux groupes : ceux qui se conforment à la décision des autorités, et les adeptes du « temps réel », qui sont persuadés que l’Homme peut s’adapter. Julia et ses parents font partie du premier groupe. Ils s’accrochent à leur routine, accumulent les conserves en prévision d’une aggravation de la situation et mettent des rideaux opaques aux fenêtres pour être capables de dormir lors des « nuits » ensoleillées. Mais le ralentissement semble affecter beaucoup plus que l’environnement. Les parents de Julia s’éloignent l’un de l’autre, ses voisins sont plus malveillants qu’avant, sa meilleure amie lui tourne le dos. Elle se retrouve seule, isolée. Aurait-elle vécu une adolescence différente sans le ralentissement? Qui sait…

Hybride entre roman d’anticipation et d’apprentissage, L’âge des miracles relate la vie plutôt tranquille d’une Californienne de onze ans. Catastrophe planétaire, capacité d’adaptation de l’homme, panique et paranoïa forment la toile de fond d’une histoire qui, somme toute, s’intéresse plutôt à l’entrée dans l’adolescence (amitiés, amour, changement de perception du monde). L’auteure utilise de nombreuses comparaisons et métaphores qui étoffent le style. L’histoire s’adresse aux lecteurs de niveau intermédiaire, mais plaira surtout aux filles; les garçons risquent de la trouver un brin ennuyante.

Mon avis 

J’ai entamé la lecture de ce roman avec une envie de SF postapocalyptique ou dystopique à la Hunger Games. Mais L’âge des miracles est bien différent des romans à succès qui surfent sur cette vague. L’action y est pratiquement absente. On suit Julia au quotidien, on tombe amoureux de Seth Moreno avec elle, on se questionne tout comme elle sur le présent et l’avenir. La solitude croissante dans laquelle elle s’enfonce, d’une grande tristesse, pèse sur les épaules du lecteur et touchera les laissés-pour-compte. L’axe psychologique prend le dessus sur l’action et le sensationnalisme. Une belle façon pour l’auteure de se démarquer de la production actuelle.

J’avoue que j’aurais imaginé une réaction plus catastrophée de la part de la population et des gouvernements devant une telle hypothèse. Bien sûr, une certaine panique s’installe, illustrée par l’exode massif des habitants de la ville de Julia. Mais un tas de répercussions demeurent tues ou peu exploitées. D’un autre côté, peut-être que la façon de voir de l’auteure est plus cohérente qu’il n’y paraît : avec le ralentissement et l’augmentation de la gravité, n’est-il pas normal que tout soit plus difficile, lourd, et qu’une certaine apathie s’installe? Autre bémol : la surabondance des « on apprendra plus tard que… » finit par lasser. On a bien compris que la narratrice a vécu un certain temps après le début du ralentissement; le fait de le répéter agace.

Bref, un bon moment de lecture, non pas enlevant, mais tranquille et enveloppant, comme si le ralentissement avait touché nos vies, à nous aussi.

Si vous avez aimé, vous pourriez être tenté par Chroniques de la fin du monde et POD. 

Merci aux éditions Presses de la cité pour le roman!