Attention, ce livre est le troisième de la série. Ne gâchez pas votre plaisir et lisez d’abord Seki et Annika!
Billet rédigé par Eve Patenaude
Deux ans après l’étouffement de l’insurrection sur Averia, Seki a repris ses études et essaie de revenir à son train de vie normal. En s’effaçant parmi les étudiants, elle souhaite surtout faire oublier le rôle qu’elle a joué dans la conclusion des événements passés. Mais Laïka, l’une des personnes qui ont entraîné la jeune fille dans la spirale infernale de la guerre, la recontacte, affirmant avoir revu Lanz. Seki accepte à contrecœur d’aller à leur rencontre… pour le meilleur et pour le pire.
De son côté, Myr semble s’être apaisée. Mais rien n’est moins vrai. Elle traîne dans des endroits louches, fréquente Kodos, l’une des têtes dirigeantes du groupe qui a autrefois enflammé Averia et frère de Laïka, espérant retrouver de quoi combler le vide en elle. Kodos la manipule, se sert de son désespoir pour se l’attacher fidèlement. Et Myr en vient à accepter, malgré son déchirement, de trahir encore une fois sa sœur Seki.
Dans ce troisième livre de la série Averia, on retrouve l’alternance des points de vue narratifs de Seki et de Myr, qui avaient été mises de côté au profit d’Annika dans le deuxième tome. La structure de la série est bien établie : chaque tome est campé successivement sur Averia, puis sur Tharisia, comme si nous avions deux trilogies entrelacées (la série comptera six volets au total). Le ton lourd du désespoir de Myr, de sa dépendance affective envers Kodos, ainsi que la gravité des enjeux politiques et des complots meurtriers ne conviennent pas à un lecteur débutant, mais stimuleront les autres, plus expérimentés. Âmes sensibles s’abstenir; c’est un roman très dur psychologiquement.
Mon avis
La narration est moins basée sur l’action que sur les émotions des personnages, qui sont disséquées en détail. Le lecteur est le témoin privilégié de la détresse de Seki, de la destruction de Myr. On les voit s’enfoncer, mais surtout, on comprend le cheminement psychologique qui les amène à faire des choix qui, sans explications, auraient pu paraître impensables de leur part. L’inéluctabilité du naufrage de Myr, surtout, m’a amenée à me dire à plusieurs moments : moi aussi, j’aurais sans doute fini par faire ça! … alors qu’objectivement, la chose est irrecevable.
Les personnages secondaires Charal et Jorulia viennent encore une fois alléger le ton (sans casser l’ambiance), ce qui est nécessaire pour la santé mentale du lecteur. Trop de douleur finirait par lasser. Aussi, bravo à l’auteur d’avoir su ponctuer son texte de quelques notes comiques, qui sont franchement les bienvenues. Parasite est un baume sur nos plaies, comme sur celles de Myr. Et j’ai retrouvé avec grand bonheur le personnage de Lanz, l’amoureux-pas-amoureux de Seki. La tension entre eux est palpable, riche, déchirante. Mais on ne les aime tous les deux que mieux.
Minuscule bémol : certaines formulations stylistiques ont accroché mon œil sévère de correctrice d’épreuves. Mais règle générale, la plume de l’auteur est magnifique et surtout, différente. On reconnaît sa signature dès les premières lignes du roman, ce qui est remarquable pour un si jeune auteur.
En toute honnêteté, ce n’est pas jojo, de lire du Patrice Cazeault. Myr s’inscrit exactement dans la tradition des deux précédents opus : c’est lourd, grave, douloureux. Mais tellement bouleversant! Les deux sœurs Jones viennent littéralement nous chercher par les tripes et nous tirent des larmes de compassion. Certains diront : ce n’est pas trop déprimant pour des jeunes? Cela ne fera-t-il qu’attiser leur mal-être? Et je vous répondrai : non. Adolescente, j’aurais été transportée de pouvoir lire le destin tragique de ces deux personnages. J’aurais eu l’impression de ne pas être seule à souffrir dans mon coin. J’aurais eu le sentiment d’avoir été profondément comprise et acceptée. Parce qu’on ne peut faire autrement que de les accepter, de les aimer, ces deux filles-là , si vraies dans leurs tourments. Et d’espérer de tout notre cœur qu’elles finiront par trouver un peu de bonheur en ce monde… bien qu’on en doute.
Il est possible de suivre l’auteur via son blogue Avis d'expulsion!
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