Entrevue avec Camille Bouchard

 
Partagez sur Facebook Parlez-en sur Twitter

15 novembre 2011

J’ai découvert Camille Bouchard par Les yeux verts des Intouchables et j’ai tout de suite été fascinée par la plume de ce grand voyageur qui écrit des romans poignants et extrêmement bien documentés. J’ai poursuivi ma rencontre littéraire avec Les crocodiles de Bangkok puis Le ricanement des hyènes et je suis finalement tombée dans la série Pirates qui m’a donné envie d’en savoir un peu plus sur les sources d’inspiration de Camille Bouchard. Entrevue avec un auteur hors de l’ordinaire!

Est-ce que c’était déjà prévu, au moment de finir Pirates, que vous alliez enchaîner avec une autre série?


Oui, absolument. Ce qui a changé en cours de route, est que « Un massacre magnifique » devait prendre plus d'importance en tant que tampon entre les deux séries, mais pour une question de mise en marché, mon éditeur a demandé qu'il en soit autrement.

Comment est né le personnage de Gédéon? 

Comme une gestation, vraiment. Je ne pensais pas lui donner l'importance qu'il a pris dans la 2e série. Le personnage s'est imposé malgré moi et c'est même ma directrice littéraire qui m'a fait comprendre la place qu'il avait prise et celle qui lui revenait. Il faut dire que j'ai travaillé Pirates et À bord de l'Ouragan sans véritable structure. J'improvisais mes histoires à mesure que je les écrivais et le défi était de relier à la fin tous les bouts de ficelles qui dépassaient.

D’où vient votre envie de construire une histoire dans l’univers des pirates?

C'est une thématique prétexte à de très nombreuses scènes d'actions, à des passages spectaculaires, à des personnages colorés, à des quêtes, à du suspense, à des voyages, à des découvertes, à des chocs culturels... En fait, le thème de la piraterie peut regrouper tous les autres. Toutefois, il a été tellement exploité qu'il me fallait modifier un peu la recette pour me démarquer. J'ai donc situé ma série grosso modo entre 1550 et 1570, soit environ 150 ans avant la période dite « âge d'or de la piraterie » (1680-1710). J'ai aussi misé énormément sur le réalisme, me rapprochant davantage du classique « L'Île au trésor » plutôt que sur la (douteuse) série « Pirates des Caraïbes ».

Avez-vous dû faire beaucoup de recherches?

Je n'ai pas compté avec exactitude le temps imparti, car j'ai fait des recherches sur le XVIe siècle qui m'ont servi pour chacun des 7 tomes des 2 séries, pour Un massacre magnifique, pour Trente-Neuf et, précédemment, pour Le Sentier des sacrifices... sans compter qu'il m'a fallu étudier aussi l'histoire de la marine du XVIe siècle... et la marine tout court, car je ne suis pas du tout un marin (même, pour vous faire une confidence, je vous avouerai que j'ai peur de l'eau). Bref, bout à bout, le nombre de mois de recherches à temps plein se compte sans doute en année... voire en annéeS.

Est-ce important pour vous de coller à la réalité historique? 

Essentiel. Sinon, on écrit n'importe quoi. Et ma responsabilité comme auteur, surtout comme auteur jeunesse, est précisément de ne pas écrire n'importe quoi.  

Vous n’avez pas peur de mettre des scènes sanglantes dans vos romans. Est-ce que ce sont des chapitres que vous aimez écrire?

Si je veux coller à la réalité de l'époque, je n'ai pas le choix, car le XVIe siècle était intensément violent (selon nos critères modernes). Ai-je du plaisir à le faire ? Au même titre qu'un lecteur va avoir du plaisir à frissonner dans le confort de son fauteuil, oui. Mais je ne saurais écrire une scène violente qui soit gratuite. Soit elle sert l'histoire, soit elle peint l'atmosphère, l'époque. Et les (rares) scènes extrêmes que l'on retrouve dans la série (notamment dans les tomes 2 et 5) viennent de témoignages d'acteurs du temps.

En fait, que préférez-vous dans l’écriture? Qu’aimez-vous le moins? 

J'adore faire monter la tension chez mon lecteur juste avant une scène d'action. Je déteste quand ma directrice-littéraire me demande de changer une scène et que je n'ai pas le recul nécessaire pour reconnaître ce qu'elle me désigne. C'est frustrant. Ça oblige l'auteur à travailler à l'aveugle (d'où l'importance d'avoir une confiance totale en sa dirlitt).

Vous êtes un auteur prolifique! Menez-vous plusieurs projets de front?

Jamais. Ça m'est impossible. Je travaille toujours sur un seul projet à la fois.

Vous avez aussi publié un roman dans la nouvelle collection Zèbre. Comment en êtes-vous venu à faire partie de ce projet?  

Carole Tremblay, la directrice littéraire m'a approché à ce sujet, et j'ai été emballé par l'idée. Je donne de nombreux ateliers dans les écoles et j'ai constaté que pour les jeunes en difficulté d'apprentissage du français (problèmes cognitifs ou en immersion), je n'avais pas beaucoup d'outils à proposer aux enseignants. Zèbre vient combler cette lacune : des histoires qui rejoignent les ados, mais écrites dans un style accessible à ceux qui, en lecture, n'en sont qu'au niveau primaire.

Est-ce que les caractéristiques de cette collection, dont la brièveté de l’histoire, vous ont semblé contraignantes?

C'est sûr que j'ai l'habitude d'écrire des romans plus imposants pour les ados, mais je me disais que si je ne pouvais pas tout dire dans un petit roman, il y avait moyen de faire une série. Le problème majeur, pour moi, s'est plutôt révélé être la rédaction des capsules scientifiques. Apprendre des choses aux autres sans raconter une histoire autour, ça m'ennuyait au possible. Une chance que ma dirlitt m'a beaucoup aidé. Pour le tome 2 de L'Après-Monde, je changerai ma façon de faire. Je ne vous dévoile rien pour l'instant, mais je peux vous dire que la nouvelle formule que j'utiliserai me plaît vraiment.

D’où vous est venue l’idée de l’Après-Monde? 

C'est un fantasme d'adolescent : se retrouver soudain seul au monde sans plus de môzusses d'adultes pour nous dire quoi faire. Mais quand la réalité nous rattrape, ça veut dire aussi se retrouver avec les responsabilités de la liberté. C'est en gros, le message de L'Après-Monde.

D’après vous, est-ce que la littérature jeunesse est importante?

La littérature tout court est importante. La littérature est plus qu'un art, c'est un outil de croissance humaine. L'invention de l'imprimerie a largement contribué à sortir l'Europe du Moyen-Âge et à propulser la société dans la Renaissance. Sans littérature, il ne peut y avoir ni évolution ni révolution. L'Histoire le prouve.

Rafale lecture !

Enfant, étiez-vous un grand lecteur?

Je lisais énormément de bédés, peu de romans (mais à ma décharge, il faut dire que les romans jeunesse n'existaient presque pas, à part des trucs pour les filles). J'ai découvert le plaisir du roman quand j'étais jeune adulte.

Qui vous a donné le goût de lire?

Personne. J'ai découvert seul.

Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres?


Savoir et comprendre. Ah? Ça fait deux mots. Mais c'est comme ça. La lecture me permet de me sentir bien dans le monde, car pour être à l'aise, j'ai besoin de comprendre l'environnement dans lequel je me trouve.

Quel est votre livre préféré? 

Ce n'est pas un roman. La Mesure d'un continent de, entre autres, Denis Vaugeois, est une bible pour moi. À regarder les cartes anciennes, on a l'impression de suivre les premiers colonisateurs en Amérique. C'est fascinant. Je le feuillette sans cesse. Aussi, un roman québécois que j'ai adoré et qui, en fait, est une biographie mêlée de fiction : Christophe Colomb - Naufrage sur les côtes du paradis de Georges-Hébert Germain. Quand j'ai tourné la dernière page, je l'ai recommencé à partir du début. Magnifiquement écrit.

Quel roman a marqué votre adolescence? 

Je ne me souviens guère de mes premières relations avec la littérature. Toutefois, comme amateur de sciences et de science-fiction (à cette époque), deux œuvres m'ont jeté par terre : La série Dune et 2001, l'odyssée de l'espace.

Quel est le livre sur votre table de chevet?

Actuellement, je lis L'Île sous la mer d'Isabel Allende. Une de mes grandes idoles. J'adore la littérature sud-américaine.

Dans quel endroit préférez-vous lire?

Je n'ai pas d'endroit préféré. Je lis partout.

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous? Pourquoi?

J'aimerais être une aventure de Tintin. Quand j'étais pré-ado, je pensais que, plus tard, mon métier, ce serait de parcourir le monde à la poursuite des méchants.

Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui ont aimé l’Après-Monde? Et pour ceux qui ont aimé Pirates et À bord de l’Ouragan

Pour ceux qui ont apprécié L'Après-Monde, je dis : patience, le tome 2 sortira à l'automne 2012 ;o) et pour les autres, je dis que le tome 2 de À bord de l'Ouragan, La Religion des autres, sortira en février 2012. (Comment ça, je suis trop commercial?)
Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
Parcourir les archives

Ajoutez votre voix à la conversation

Élyse (18.04.18 à 23 h 15)

J'aimerais savoir quel personnage de bande dessinée est l'idole de Camille Bouchard. Merci d'avance!!!!!!

Nouveau commentaire

(ne sera pas affiché)
Votre commentaire :

Ce site aime la langue française, merci de ne pas trop la maltraiter dans votre commentaire.
ANTI-SPAM : Combien font 2-1, écrit en lettres ?
Réponse : (indice : entrez un chiffre inférieur à deux)
• • • •