Ciprian s’est toujours baladé. Être fils d’Ursari, fils de Rom, c’est sans arrêt être sur la route, à chercher de quoi manger, à fuir les villageois mécontents de les voir s’arrêter. Alors que leur numéro avec un ours suffit à peine à les nourrir, deux hommes viennent voir le père de Ciprian et lui offrent de lui prêter l’argent nécessaire pour amener toute la famille en France. Sure de trouver mieux dans le pays de la tour Eiffel, la famille Ursari part sans hésiter. Mais leur nouvelle vie dans la « Zone » n’est pas celle espérée et tous devront travailler pour rembourser la dette de Daddu. Même Ciprian, malgré son intérêt très particulier pour le jardin du « Lusquenbour » où il découvre « lezéchecs ».
Xavier-Laurent Petit questionne souvent le réel dans ses récits et il ne fait pas exception avec cette pépite qui parle de migrants, de Roms, d’abus, du regard vers l’autre, d’indifférence, mais aussi d’ouverture et d’entraide. Écrite dans un langage accessible, l’intrigue conviendra aux lecteurs intermédiaires et avancés.
Le fils de l’Ursari est un roman à découvrir, une lecture qu’on savoure peu à peu, résistante au départ, mais qui se dévoile au fil des pages et des aventures. Le lecteur est ainsi invité à suivre une famille d’Ursari, des Roms dompteurs d’ours, dans leur périple vers la France et ses mirages, vers sa cruelle réalité pour ceux qui arrivent endettés, à la merci de la mafia.
La grande force de l’auteur est d’avoir écrit à la hauteur de Ciprian, jeune adolescent qui en connait long sur la vie, mais qui est aussi d’une grande naïveté. À travers son regard, le lecteur ne juge pas Demetriu, le grand frère qui « emprunte » pour permettre à toute la famille de manger ou Vera, la grande sœur qui loue un bébé chaque matin pour aller faire la manche. Ce personnage principal est touchant et drôle, notamment avec les surnoms qu’ils donnent à tous (Monsieur Énorme et Madame Baleine en tête) et ses « zorros » à récolter. L’esquisse est à la fois large, Cirprian permettant de comprendre la réalité de toute une population, et précise, authentique, personnelle. À travers son histoire, Xavier-Laurent Petit parle d’espoir et d’ouverture, mais dépeint aussi une réalité qu’on imagine difficilement, le tout sans tomber dans le mélo. Oui, ses capacités pour « lezéchecs » sont surprenantes et certaines coïncidences un peu grosses, mais l’ensemble sonne terriblement réaliste.
En bref ? Un regard différent sur les migrants et ce qu’ils traversent à travers une histoire touchante et d’actualité qui donne envie de s’ouvrir à l’autre, celui qui est finalement plus près de nous que ce qu’on peut croire. C’est précieux.
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