Pour éviter les remarques désagréables, une adolescente se cache sous des habits trop larges et remplit sa cuillère de vide le matin. Tant pis pour l’épuisement, les migraines, les mensonges qui s’accumulent, le sentiment de contrôle prime sur tout. Du moins c’est ce qu’elle croit jusqu’à ce que sa petite sœur commence à l’imiter…
Paru dans la collection Unik, qui propose des oeuvres poétiques au graphisme surprenant, Mon corps d’origami est un récit très personnel qui parle d’anorexie et d’amitié toxique.
Je suis tombée sous le charme de la plume de Katerine Martin avec son album L’hippocampe et j’ai retrouvé toute la qualité de son écriture sensible ici, dans un Unik plus poétique que plusieurs, alors que l’image de l’origami et de ces créations de papier si légères vient offrir le parfait contrepoint à cette vision trop lourde que la narratrice a d’elle-même.
J’ai aimé comme on a accès aux pensées intimes de cette adolescente qui se perd peu à peu dans la quête d’une minceur qui ne sera jamais satisfaisante et comment l’autrice parvient à faire ressentir sa détresse à travers son apparent contrôle. Comment être différente, plus ronde, plus joufflue (sujet abordé aussi dans Le poids de la honte, qui porte plus précisément sur la grossophobie) dans un monde basé sur l’apparence peut mener à vouloir disparaitre de multiples façons. Déjà, j’étais conquise, mais Katerine Martin va plus loin et surprend avec la thématique de l’amitié toxique qui apparait au fil des pages, ces amies dont les commentaires sur le poids ne cherchent pas à célébrer les victoires, mais rabaissent toujours plus, peu importe les changements. Ces amitiés qui perturbent encore plus la vision de la narratrice d’elle-même. C’est fort parce que c’est trop souvent bien réel et qu’il est vraiment important de savoir reconnaitre les amies qui nous élèvent et celles qui, parfois sous le couvert de l’humour, rabaissent.
« Les filles commentent souvent la forme ronde de mon visage ou l’épaisseur de ma taille, qui dépasse un peu des marges.
Quand je réagis devant leurs remarques, on me reproche mon manque d’humour. On me rappelle combien mon intelligence compense tout le reste. »
Bref, c’est un Unik vraiment très chouette à conseiller aux ados qu’on sent plus fragiles, à tous ceux et celles qui veulent comprendre et aux amateur·rices des mots, tout simplement, parce que la poésie de Katerine Martin est une douceur ici amplifiée par le graphisme toujours percutant et innovateur de Dorian Danielsen.
Le petit bonus ? Le personnage de la sœur m’a beaucoup touchée. Dans les deux pages « témoignage » en fin de récit, l’autrice explique que le personnage a été inventé même si le cœur du récit est basé sur son expérience personnelle parce qu’elle « représente cette version plus jeune de moi que j’aurais aimé sauver d’elle-même. » Puissant.
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