Entrevue avec Alain M. Bergeron

 
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13 novembre 2012

J'ai bien aimé la nouvelle d'Alain M. Bergeron dans le chouette recueil Neuf bonnes nouvelles et une moins bonne (à vous de trouver laquelle) et j'étais heureuse à l'idée de le rencontrer au lancement. Quelle ne fut pas ma déception de voir qu'il n'y était pas! J'ai décidé de me consoler avec son dernier roman, La fabuleuse saison d'Abby Hoffman mais, charmée par la lecture, j'ai de nouveau eu envie d'en connaître plus sur cet auteur prolifique. Il n'en fallait pas plus pour que je le contacte. Voici donc l'entrevue qu'il m'a accordée autour de son roman publié chez Soulières Éditeur! 

Est-ce que votre histoire se veut la plus réelle possible ?

Bien sûr, l'histoire est romancée, mais avec un solide fond de réalité. Cet épisode de la vie d'Abby Hoffman a fait l'objet de nombreux articles à l'époque, articles que j'ai pu consulter. Tout ce que j'ai pu dénicher sur elle et sa famille s'est retrouvé dans le livre. Les personnages qui gravitent autour d'elle ont réellement existé (un pléonasme, ça, je crois...), à l'exception du suave Scotty Hynek (curieusement, mon personnage préféré après Abby).

Vous en avez discuté avec elle ?

Je n'ai jamais pu tirer un seul mot, une seule ligne d'Abby elle-même. Elle n'a jamais répondu à mes multiples messages (courriels et envois postaux). Je lui ai écrit plusieurs fois au fil du projet (et même après), mais sans jamais recevoir une seule réponse (un simple NON ! aurait fait l'affaire). Elle devait participer à une émission à Radio-Canada (première chaîne), mais a déclaré forfait quelques jours avant. C'est bien navrant, je l'avoue. Il s’agit du seul élément négatif de toute cette expérience. Abby aurait pu me dire tout simplement qu’elle n’était pas intéressée et j’aurais compris et respecté sa décision. Mais là, zéro sur toute la ligne.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire à propos de cette fameuse saison de hockey d’Abby Hoffman ? Comment avez-vous découvert cette histoire ?

J’ai découvert l’histoire d’Abby par le plus pur des hasards (le hasard fait bien les choses, parfois). J’ai écrit une autre série mettant en vedette une jeune fille (Virginie Vanelli, éditions FouLire). Dans ses rêves (qui devenaient réalité pour elle), elle devenait une joueuse de hockey et se prenait pour son idole… Or, j’ignorais qui pouvait bien être son idole au hockey féminin. J’ai donc fait des recherches sur le web pour tomber sur l’histoire réelle d’Abby Hoffman. Une histoire assez documentée, merci. Assez pour me dire qu’un jour, il me faudrait bien l’écrire, cette histoire. Car je trouvais ce récit passionnant : une jeune fille se transforme en garçon pour pouvoir jouer au hockey. Mon ancienne vie de journaliste m’a été très utile dans mes recherches. Mon plaisir a été immense, un privilège dans ce métier.

Est-ce plus difficile d’écrire à propos de personnes ayant vraiment existé, de leur mettre des mots dans la bouche ?

Non, puisqu’il y avait pas mal de documents écrits sur le sujet. J’ai donc ramassé tout ce que j’ai pu et j’ai fait des liens entre les faits réels. Bien entendu, j’ai dû boucher certains trous, inventer des personnages (dont ce cher Scotty Hynek). Mais pour le reste, je suis resté assez fidèle à l’histoire originale. J’aurais bien aimé en discuter avec Abby (pourquoi portait-elle le numéro 6 ? notamment) pour éclaircir certains points, mais les choses étant ce qu’elles sont…

L’un des éléments les plus délicats était la réaction de l’entraîneur d’Abby et du commissaire de la ligue. J’ai dû me rabattre sur les documents de l’époque, mais il y avait des zones grises. Comment, au-delà des articles de journaux et de l’entrevue à la télé de Radio-Canada, ont-ils vraiment réagi à l’annonce qu’Ab était une Abby ? Et pourquoi Abby n’a-t-elle pas eu le droit de jouer l’année suivante ?

Scotty Hynek est aussi un de mes personnages préférés. Si c’est un des seuls que vous avez « créés », comment est-il né ? Comment l’avez-vous défini ?

Merci ! Je l’adore, ce Scotty, parce que j’ai pu lui faire dire toutes les énormités qui me passaient par la tête et que l’on aurait pu entendre à propos des filles qui jouent au hockey… C’est le seul qui me faisait rire aux éclats quand j’écrivais ses répliques. Je l’ai « créé » également pour alléger l’atmosphère et apporter un élément de comédie dans le roman. Quand, fou de joie d’avoir inscrit son premier but, il lance la rondelle vers ses parents dans les gradins et atteint le spectateur près d’eux, je hurlais dans ma maison tellement je riais (car je voyais très bien la scène). Je n’avais jamais eu ce genre de réaction auparavant. Scotty est un peu le « nerd » de service, mais en même temps, en raison de ce que l’on découvre sur lui à la fin, il est très attachant (bon, il est aussi énervant).

Il y a également les grands-parents Hoffman qui ont été « inventés ». Abby aurait pu me pister là-dessus. J’estimais leur présence (même modeste) importante, ne serait-ce que par la réaction de la grand-mère, dépassée par les événements (une fillette doit porter des robes et faire du patinage de fantaisie, pas jouer au hockey).

Était-ce important pour vous de recréer l’époque dans l’histoire ? Comment vous y êtes-vous pris ?

C’était essentiel que l’époque soit bien campée pour que l’on saisisse bien la portée du geste d’Abby Hoffman (appuyée par ses parents et sa famille, faut-il le dire). Pour être poli, on part de très loin ! Les filles étaient confinées au patinage de fantaisie. Hors de ce sport, point de salut. Tout ce que voulait Abby, c’était de jouer au hockey. Et pourquoi pas ? Ben… non ! Ce n’était pas si simple dans le temps (on parle du milieu des années cinquante). J’ai donc beaucoup lu sur le sujet afin de m’imprégner de l’atmosphère de ce Toronto de 1955-56. C’est l’une des expériences les plus fascinantes de ma carrière d’auteur (j’avais vécu la même chose avec l’écriture du livre Les Tempêtes, chez Soulières Éditeur, où j’y raconte les aventures et mésaventures d’un groupe de musique pop de l’année 1964 au Québec).

J'avais aussi l’impression lors de ma lecture d’entendre Abby, une jeune fille de 9 ans. Est-ce que vous avez modifié votre écriture pour donner cette impression ?

Autre merci ! Je me suis mis carrément dans la tête d’Abby Hoffman pendant presque une année. Alors, je suis bien content de savoir que vous avez « entendu » la voix d’Abby. Je l’entendais moi aussi me raconter son histoire. Parfois, je devais écrire très rapidement, car elle me « parlait » trop vite ! Oui, on peut entendre des voix dans nos têtes… J’ai davantage adapté mon écriture que je l’ai modifiée. Le danger était de faire passer des considérations d’adulte par la bouche d’une enfant de neuf ans. Les parents étaient là pour ça (ainsi que les autres adultes). Et je n’avais aucune peine à me rappeler mes débuts au hockey, quand j’avais dix ans. Je pouvais sans problème me replonger dans le vestiaire d’une équipe de hockey. J’y étais, carrément, aux côtés d’Abby, de Scotty et des autres. On était tous ensemble dans un même coin (Troublant ? Oui, vous avez raison).  

À quel public pensiez-vous au moment d’écrire le roman ?

Je ne pensais pas tant à un public qu’à mon plaisir égoïste d’écrire. On peut croire que cette histoire s’adresse à un public ado, mais je dirais que ça va au-delà de ces frontières. C’est du 7 à 77 ans, du moins dans ma tête.

Vous êtes un écrivain prolifique et vous écrivez dans différents genres, pour différents publics ! Avez-vous une préférence ? Y a-t-il un genre où vous avez plus de plaisir ?

Non, pas de préférence. Tout me plaît ! Tant le petit récit pour un album de 16 pages qu’un roman plus costaud comme celui d’Abby en passant par les Zaventures de Billy Stuart ou du Capitaine Static, ou bien les folies des Savais-tu. Je peux passer de l’un à l’autre sans aucun problème, sauf que j’ai besoin d’une petite période d’adaptation de quelques jours.

Est-ce que plusieurs histoires cohabitent en même temps dans votre tête ?

Dieu du ciel, non ! Je suis un gars et je m’assume : une seule chose à la fois dans ma petite tête ! Hihihihi ! Non, plus sérieusement, je ne fais toujours qu’un seul projet à la fois, projet qui me commande une énergie folle et qui ne laisserait pas de place à rien d’autre. Par contre, j’ai un calendrier de production qui m’indique les projets à venir. Rien n’empêche ces projets de mijoter quelque part dans mon inconscient en attendant de voir le jour.

Rafale lecture !

Enfant, étiez-vous un grand lecteur ?

Oui, j’adorais lire. Des contes (Tante Lucille), des romans (Bob Morane), des bandes dessinées (Astérix, Tintin et compagnie). Le plus beau cadeau que l’on pouvait me faire, c’était un livre.

Qui vous a donné le goût de lire ? 

Je l’ignore. J’ai des souvenirs de moi en train de regarder les images d’un album de Pinocchio (une horreur qui m’a fait faire des cauchemars) et je devais avoir trois ou quatre ans. Probablement ma mère, donc. Mais elle n’a pas eu à pousser fort. J’ai toujours aimé lire !

Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres ? 

Bonheur et évasion. Tout est dit.

Quel est votre livre préféré ?

Impossible de répondre. Il y en a trop. La série Astérix (l’époque Goscinny), Tintin (Hergé), Le jeune homme, la mort et le temps (Richard Matheson), Calvin et Hobbes, etc. Je relis avec plaisir des Bob Morane (ce qui m’aide pour mes Billy Stuart). Mes lectures sont souvent en lien avec ce que je suis en train d’écrire…

Quel roman a marqué votre adolescence ?

Mes deux premiers Bob Morane (La fleur du sommeil et La couronne de Golconde), reçus en cadeau de ma marraine pour mes 12 ans. Je suis devenu un passionné de la série comme des milliers de jeunes garçons de mon âge à l’époque. La série m’a accompagné pendant toute mon adolescence (de même que les bédés Astérix, Tintin, etc. Que voulez-vous : j’adorais lire ce genre de livres).

Quel est le livre sur votre table de chevet ?

Le bruit des clefs, d’Anne Goscinny, où elle raconte à quel point elle a été marquée par la mort de son père alors qu’elle n’avait que neuf ans. C’est une lettre qu’elle écrit à son père. Bouleversant et fichtrement bien écrit.

Dans quel endroit préférez-vous lire ?

*Dans mon lit ou dans une chaise berçante près de ma fenêtre de la cuisine (la chaise, pas le lit).

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous ? 

Astérix et Tintin, car je sais qu’on le lirait au-delà de la mort du créateur… (Harry Potter serait également une réponse appropriée)

Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui aiment La fabuleuse saison d’Abby Hoffman ?

Vous me permettrez un peu d’auto-promotion parce que c’est un peu dans la même veine : Les merveilleuses sœurs W. (éditions Québec Amérique), où j’y raconte l’histoire réelle de deux jumelles, les sœurs Wurtele, championnes canadiennes de ski dans les années trente, quarante et cinquante et qui ont été des pionnières en leur domaine. Elles sont toujours vivantes (elles sont âgées de 90 ans) et toujours actives. À la mi-novembre, elles sont admises au Temple de la Renommée du sport du Québec. Tout comme Abby Hoffman, ce sont de grandes dames, des modèles inspirants pour des générations. Mais à l’opposé d’Abby, j’ai pu les rencontrer et ainsi enrichir mon récit…

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