J’ai connu Claude Champagne via Twitter et Facebook! Je suivais donc ses péripéties d’auteurs avant même de lire un de ses romans. Quand j’ai su que son dernier né,
Le secret des crânes, sortait fin août, j’ai tout de suite montré mon intérêt et j’ai été une des chanceuses à le lire très tôt. Entretien avec un passionné de littérature !
Le Secret des crânes est une réécriture de votre précédent roman Le treizième crâne. Qu’est-ce qui a motivé cette réécriture?
Des changements de personnel ont eu lieu chez Archambault, et les nouvelles personnes en place ne se sentaient pas d’affinités avec l'édition. On m'a proposé de continuer à vendre le tome 1 ou de reprendre ma série pour la poursuivre ailleurs. Ce que j'ai fait, et je suis très satisfait et content de travailler avec La courte échelle.
Qu’est-ce qui a changé entre la première version et la deuxième? Est-ce que l’histoire est fondamentalement restée la même?
Dans la précédente version, il n’y avait pas eu de direction littéraire comme on l’entend habituellement.
Sophie Michaud, ma directrice littéraire à La courte échelle, m’a demandé surtout de revoir le ton, afin que le roman s’adresse plus à un public plus vieux. C’est difficile de prévoir qui va lire le livre, à quel groupe d’âge il se destine. Souvent, les jeunes de 10 ans lisent des briques pour ados, alors que les ados lisent des romans pour adultes. Je voulais aussi englober les plus jeunes lecteurs, mais je crois que c’est une meilleure idée d’avoir rendu le ton plus “jeune adulte”. L’histoire est demeurée la même. Mais améliorée, des détails, mais qui pour moi, perfectionniste que je suis, font toute une différence.
Quel a été l’apport de votre directrice littéraire?
Comme je le mentionnais plus haut, Sophie m’a guidé sur le ton,Par exemple, j'utilisais souvent les mots "amis", "copains" pour parler de Alex et Samuel. Sophie m'a précisé qu'il était préférable d'utiliser les noms ou pronoms, sinon ça rabaissait le ton.elle m’a aussi suggéré de couper des trucs, de rendre des passages plus efficaces, de cerner certaines invraisemblances. Sans oublier le travail de révision de Pierre-Yves Villeneuve, qui relevait aussi de l’édition.
Qu'est-ce que le travail de réviseur apporte au roman?
Pierre-Yves a aussi travaillé sur le texte avec ses suggestions pour de meilleures tournures de phrases, des incohérence dans le récit, entre autres. Son travail est allé plus loin que la simple révision linguistique.
Aimez-vous travailler avec une équipe pour vous épauler?
Oui, je crois que c’est essentiel. Enf in, pour moi. J’ai été formé en théâtre, et l’auteur fait parti d’une équipe. D’ailleurs, j’ai toujours préféré les sports d’équipe! Et j’aime reconnaître le travail de chacun. Un livre ne se fait pas tout seul.
Qu’avez-vous apprécié dans cette réécriture?
Le fait d’améliorer mon travail, de rendre le livre meilleur.
Est-ce qu’il y a des moments que vous avez trouvé plus difficiles?
Non, j'aime réécrire. C'est plus facile. Tous les morceaux sont déjà là. Il suffit, parfois, de replacer certaines pièces du casse-tête. Ça devient presque mathématique.
Quelle a été la première étincelle qui vous a inspiré cette histoire?
J’ai vu un documentaire à la télévision qui parlait de 2012, des prophéties de fin du monde, et comment elles n’étaient pas que l’apanage des Mayas, mais de plusieurs autres “prophètes” dans différentes cultures et époques. Ça m’a donné l’idée de travailler sur les mythologies du monde. J’ai songé que ces “prophètes” pouvaient être les gardiens des crânes de cristal, contenant un savoir ancien issu de civilisations venues coloniser la Terre, il y a fort longtemps. Et que les mythes et légendes du monde seraient la trace du passage de ces gens venus d’ailleurs...
Vous utilisez beaucoup d’éléments de la culture Navajo ou de la mythologie grecque. De quoi vous servez-vous pour vous documenter?
Internet, librairies, bibliothèques... Je consigne tout sur mon ordinateur, ou presque. Mes notes de lectures de livres sont dans un seul cahier. Je conserve les pages web visitées pour références en cours d'écriture.
Le secret des crânes est une trilogie. Est-ce que vous avez déjà prévu l’intrigue pour les trois tomes au moment de publier le premier?
Oui. J’avais un document de présentation de plus de 15 pages, avec les résumés de chacun des tomes, des pistes sur les éléments de mythologies, et tout ça. Je travaille fort avant d’écrire!
Combien de temps peut prendre le travail de préparation avant l'écriture?
Des mois!
À quel âge avez-vous commencé à écrire?
Hum... Écrire pour mon plaisir ou écrire pour “vrai”? Pour mon plaisir, je dirais vers l’âge de 15 ans. J’écrivais des poèmes que j’étais le seul à comprendre, des nouvelles fantastiques, des récits philosophiques. Mais c’est à partir du moment où j’ai été à l’École Nationale de Théâtre que mon plaisir est devenu plus sérieux. J’ai appris le métier et ses ficelles.
Avez-vous un rituel d’écriture?
Non, pas vraiment. Avec les enfants, je me suis mis à écrire le matin et l’après-midi. Avant, j’écoutais de la musique, mais maintenant c’est dans le silence.
Qu’est-ce qui vous a amené à écrire de la littérature jeunesse?
J’ai toujours voulu écrire du roman. Mais j’ai étudié en théâtre. Forcément, les projets théâtraux se sont enchaînés. J’ai aussi fondé une maison d’édition, Dramaturges Éditeurs, avec un collègue, qui se consacrait à la dramaturgie. Puis, un jour, j’ai pris la décision d’écrire du roman. Au départ, il s’agissait d’une histoire ayant des enfants comme personnages, mais un livre pour adulte. Et c’est ma copine, à l’époque, qui m’avait suggéré d’écrire cette histoire pour les jeunes. C’est comme ça qu’est née ma première série, Les Héritiers d’Ambrosius. Bien sûr, le résultat était très différent de ce que j’avais envisagé pour les adultes. J’ai eu tellement de plaisir à écrire du jeunesse, que j’ai continué!
Est-ce difficile d’écrire pour un public adolescent?
Non. Il faut surveiller le niveau de langue et les concepts trop abstraits. Je me rapporte à mes expériences de lectures alors que j’étais adolescent et j’espère que ça fonctionne!
Est-ce que vous trouvez que la littérature jeunesse est importante dans le parcours d’un lecteur?
Sans aucun doute! Sans oublier que bien des adultes en lisent encore aussi. Heureusement. On fait une grande distinction entre la littérature dite jeunesse et celle pour “adultes”. Mais bien souvent, les grandes personnes auraient intérêt à se plonger dans cette littérature, car il y a des tonnes de bons livres bien écrit, qui savent rejoindre tous les publics. On voit bien des films pour enfants, adolescents ou jeunes adultes au cinéma, mais on se prive de la littérature. Bref...
Rafale lecture !
Enfant, étiez-vous un grand lecteur?
Oui! Je lisais de tout : aventure, policier, fantastique, BD...
Qui vous a donné le goût de lire? Comment cette personne a réussi à développer ce lien entre vous et les livres?
Mon frère et ma soeur étaient de grands lecteurs. J’ai un peu pigé dans leurs bibliothèques. Mais c’est surtout par moi-même que j’ai découvert les livres en fréquentant assidûment ma bibliothèque de quartier. Je garde d’ailleurs un très bon souvenir du Bibliobus, qui pendant un été, s’arrêtait devant notre ancienne bibliothèque, le temps qu’elle déménage. C’était comme un autobus au trésor!
Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres? Pouvez-vous nous expliquer ce lien?
Imaginaire. Voir le monde autrement, pour ensuite y revenir et mieux le comprendre, le (re) découvrir.
Quel est votre livre préféré?
Hum... Enfant, je dirais les livres de la série des Bob Morane. Adulte, j’ai aimé Paul Auster, Camus, Henry Miller, Blaise Cendrars...
Quel roman a marqué votre adolescence?
C’est plutôt la poésie. Celle de Nelligan, Beaudelaire, Rimbaud, Villon...
Quel est le livre sur votre table de chevet?
Il y en a plusieurs! Vendetta, de R.J. Ellory; Bizango, de Stanley Péan; Dans le quartier des agités, de Jacques Côté;
Marina, de Carlos Ruiz Zafon.
Dans quel endroit préférez-vous lire?
Mon lit.
Y a-t-il certains livres ou genres de livres que vous êtes un peu gêné d’aimer?
Comme par hasard, le fantastique! Mais j’en vois les traces dans la poétique du hasard de Paul Auster, dans les romans de Michel Tremblay. J’aime le mystère, le suspense. Les romans qui collent trop à la réalité m’ennuient, même si plusieurs, comme
Je voudrais qu’on m’efface, de Anaïs Barbeau-Lavalette me touche profondément. C’est parce qu’elle transcende la réalité par la poésie.
Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui aiment beaucoup Le secret des crânes?
Non. Il faut relire et relire mon livre. ;-) Sérieusement, y a rien de semblable qui me vient à l’idée, sinon peut-être un livre de Neil Gaiman, American Gods, dont les personnages sont des anciens dieux vivant encore parmi nous, confrontés aux nouveaux dieux de notre monde moderne. J’ai adoré ce livre.
Chouette entrevue. Inspirante! Merci Sophie et Claude.