Entrevue avec Martine Latulippe

 
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25 avril 2012

C'est Louise Lespérance qui m'a parlé pour la première fois des courts romans de suspens de Martine Latulippe parus chez Québec/Amérique, puis une élève qui en était tombée amoureuse me les a prêtés. J'ai eu à mon tour beaucoup de plaisir à lire À fleur de peau et Un lourd silence. Aussi, quand j'ai découvert que Martine publiait un nouveau roman, Le voisin, Rosa, les poissons et moi,  je me suis empressée de l'obtenir. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que c'était cette fois plus une histoire "de filles". Le passage de l'un à l'autre m'a intriguée, c'est pourquoi j'ai eu envie d'en apprendre davantage. Entrevue avec une auteure versatile! 

D’où est née Émilie-Rose, l’héroïne de votre dernier roman?

Elle est née de beaucoup d’autodérision! Je me rappelle tout à fait la scène, qui date de quelques années : j’étais en train de mettre de l’essence dans ma voiture et je me félicitais (intérieurement!) de le faire dans un libre-service, puisque j’ai longtemps privilégié les stations avec service! Je n’ai pas tardé à me moquer de moi-même et à me dire : « Hé, bravo, Martine! Des femmes marchent des kilomètres chaque jour en Afrique pour aller chercher de l’eau potable, et toi, tu es fière de mettre de l’essence toute seule! » C’est ainsi qu’est née Émilie-Rose, 17 ans, qui me ressemble sur plusieurs points et qui est constamment tiraillée entre sa volonté de changer le monde et ses petits soucis quotidiens!
 
D’où vient votre intérêt pour Rosa Parks?

J’ai toujours aimé aborder des sujets plus sérieux dans mes textes humoristiques. Je pense à la série Lorian Loubier, par exemple,L'auteure Martine Latulippe dans laquelle je parlais de ségrégation, de dépression, etc. par le biais d’un garçon de douze ans qui rêve de devenir superhéros! L’humour permet d’aller très loin et rend les jeunes réceptifs. Dès le départ, donc, je savais qu’Émilie-Rose, sous des dehors rigolos, cacherait une véritable volonté de faire une différence dans son univers. Dans chacune de ses aventures, je veux présenter un personnage qui a fait une différence autour de lui. Rosa Parks me semblait être le personnage idéal : en posant un geste qui semble tout simple, elle a changé la vie de milliers de Noirs aux États-Unis.

J’ai fait la « connaissance » de Rosa Parks lors de mes recherches pour ma maîtrise (il y a déjà près de 20 ans!). Je comparais dans mon mémoire les femmes qui écrivent en Afrique noire et au Québec, et je suis tombée, un peu par hasard, au fil de mes recherches, sur l’histoire de cette dame des États-Unis, toute modeste, qui a causé sa propre révolution en refusant de céder son siège dans un autobus. Elle m’avait fascinée. Le deuxième roman parlera de Terry Fox. Il s’agit avant tout de romans humoristiques, pas d’essais, mais le lecteur apprend aussi sur ces gens que j’admire et qui ont su laisser leur marque.
 
Saviez-vous que c’était le premier tome d’une série au moment de commencer à l’écrire? Est-ce qu’on aborde différemment le premier tome d’une série qu’un roman individuel?

Oui, c’était clair pour moi! J’avais déjà des idées pour les deux premiers romans. L’écriture est en effet différente, puisque je me permets d’ouvrir certaines portes qui serviront dans les livres qui suivront, tout est plus ouvert, plus « vaste », je dirais. Contrairement au roman unique, je ne me sens pas tenue de boucler tous les fils à la fin du livre. Certains ont été placés exprès pour tisser des liens avec le livre suivant.
 
Le voisin, les poissons, Rosa et moiÉcrivez-vous à partir d’un plan? Placez-vous volontairement des pistes pour développer la suite?

Je place volontairement des pistes, mais non, je ne travaille pas avec un plan. Pas écrit, du moins! J’ai plein d’idées dans ma tête, je vais prendre des notes de temps en temps, mais je suis foncièrement indisciplinée côté plan, au grand désespoir de mon éditeur, Yvon, qui lui est partisan du plan! On se taquine souvent à ce sujet.
 
Vous avez des filles de 9 et 12 ans. Ont-elles lu Le voisin, Rosa, les poissons et moi? Est-ce que vous avez tenu compte de leurs commentaires?

Oui, les deux l’ont lu. D’ailleurs, c’est beaucoup pour la plus vieille des deux que je l’ai écrit. Je regardais ce qui l’intéressait, ce qu’elle vivait, et j’ai voulu inventer un personnage qu’elle aimerait, qui la toucherait directement. J’ai tenu compte de leurs commentaires à toutes deux, en effet, mais honnêtement, ce n’était pas très critique!
 
Est-ce que les personnages sont inspirés de votre entourage?

Émilie-Rose me ressemble clairement, tout le monde le dira dans mon entourage! Pour le reste, je m’amuse à prendre certains traits de différentes personnes pour créer chaque personnage : Béa, la meilleure amie, est un mélange de quelques amies, les parents de Rosie aussi. Le poisson est probablement un des nombreux bettas que nous avons eus à la maison ces dernières années!!!
 
J’aime particulièrement celui du grand-père libraire. Comment celui-ci est-il né?

Celui-là est une pure fiction! Je n’ai pas connu mes grands-pères, décédés trop tôt, et j’ai inventé pour Émilie-Rose un grand-père très présent, très complice. C’est ma façon de compenser l’absence, d’imaginer ce que j’aurais voulu connaître, ce que peut être une belle relation grand-père/petite-fille.
 
Étant donné le succès de À fleur de peau et Un lourd silence, est-ce que vous aviez de la pression pour l’écriture de ce nouveau livre?À fleur de peau

Je crois que j’aurais plus de pression si le livre était un suspense dans le même genre que ces deux titres. Mais Le voisin, Rosa, les poissons et moi est tellement différent que la comparaison est pratiquement impossible! Je pense qu’il risque de rejoindre un tout autre lectorat.
 
Comment passe-t-on d’un univers de suspens à celui qui est davantage un « roman de filles »?

Expérimenter différents styles, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup! J’aime que ça bouge, je redoute la monotonie! En écriture, je passe du roman ado à l’album pour les tout-petits, de l’humour au polar, d’un garçon narrateur de 15 ans à une fille apprentie détective de 8 ans! J’aime explorer tous ces styles, tous ces personnages. J’aurais du mal à écrire un seul genre de roman et à m’y tenir! Avant de me lancer dans un roman, je garde en tête plusieurs mois (dans le cas de Rosie, c’est pratiquement un an) mes personnages, mes idées. Que ce soit pour un suspens ou pour de l’humour plus « fille », je laisse mijoter et je ne commence l’écriture que quand je suis fin prête, quand je sens que tout est en place.

Vous disiez ne pas faire de plan, mais ce temps de réflexion est un peu le même principe, non? 

Tout à fait! Pas de plan écrit, mais je sais où je m'en vais avant que l'écriture commence!
 
D'ailleurs, vous êtes une auteure très prolifique! Est-ce que vous travaillez sur plusieurs histoires en même temps? Comment cohabitent-elles dans votre esprit?

J’écris une seule histoire à la fois. Quand des idées me viennent pour d’autres récits en cours de route, je prends des notes (j’ai toujours des carnets avec moi, un dans mon sac, un dans ma valise, un dans ma voiture, etc.), mais je ne commence pas à les écrire avant d’avoir terminé le roman que j’ai entrepris.
 
Un lourd silenceDepuis quand avez-vous cette passion pour l’écriture? Comment l’écrivaine a-t-elle grandi en vous?

J’ai commencé à écrire dès le primaire. Dès la 2e ou 3e année, j’écrivais des poèmes, des débuts de romans… J’étais très timide, et j’écrivais plus facilement que je ne parlais! Le goût d’écrire est venu par la lecture. Je lisais tellement que j’ai eu envie, un jour, d’essayer d’inventer des univers moi aussi!
 
Qu’aimez-vous le plus dans l’écriture? Qu’aimez-vous le moins?

Ce que j’aime le plus? La variété, les infinies possibilités, les émotions… J’aime que chaque journée soit différente, que je vive, à travers les mots, mille et une existences qui n’ont rien en commun. Ce que j’aime le moins? Eh bien, je n’ai pas encore trouvé! Pas une journée ne passe sans que je ne me dise à quel point j’aime écrire et la chance que j’ai de faire ce métier!
 
Rafale lecture !

Enfant, étiez-vous une grande lectrice?

Je lisais un peu, beaucoup, passionnément! Je courais me mettre le nez dans un livre dès que j’avais une chance de m’esquiver… et je n’ai guère changé!

Qui vous a donné le goût de lire? 

En fait, je dois beaucoup… à ma timidité! Souvent, c’était plus facile pour moi de me réfugier dans les livres que d’aller vers des gens!

Êtes-vous aujourd’hui une grande lectrice? Que lisez-vous?

Je lis toujours aussi frénétiquement, je dirais! Je lis tout, des BD en passant par les classiques, les romans jeunesse ou les polars (pour lesquels j’ai une forte prédilection!).

Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres?

Passion. Je lis avec autant de passion que j’écris, avec l’impression de n’avoir jamais assez de temps à passer avec les livres, autant en tant que lectrice qu’en tant qu’auteure. J’en voudrais toujours plus, je ne me lasse pas, je n’en ai jamais assez! Les livres me passionnent.

Quel est votre livre préféré?

C’est une question très difficile, j’en aime tant, mais je dirais Les Trois mousquetaires, d’Alexandre Dumas, pour sa façon de nous embarquer complètement dans son histoire, sa fougue, sa vie!

Quel roman a marqué votre adolescence?

Le Seigneur des anneaux! J’avais si peur des Cavaliers Noirs que j’en faisais des cauchemars!

Quel est le livre sur votre table de chevet?

En ce moment? L’inaveu, de Richard Ste-Marie, paru chez Alire. Et aussi, depuis un moment, les mémoires d’Alexandre Dumas, une brique de quelque 1000 pages que je lis à petites doses!

Dans quel endroit préférez-vous lire?        
    
Partout! J’aime lire dehors, l’été, au bord du fleuve; j’aime lire dans mon lit, tard le soir, quand tout le monde dort, ou lors d’un petit matin de pluie; j’aime lire dans un avion ou un bus et oublier le temps et les kilomètres qui passent…

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous? Pourquoi?

Un livre aux pages toutes blanches, parce que tout serait encore à inventer, tout serait possible!

Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui ont aimé Le voisin, Rosa, les poissons et moi?

Le Trio rigolo, aux éditions FouLire. Je pense qu’on y retrouve le même genre d’humour, la même envie d’aborder des sujets qui peuvent être très sérieux sous un angle différent. 

Pour voir l'entrevue vidéo que Martine a réalisée au Salon International du Livre de Québec et dans lequel elle présente Le voisin, Rosa, les poissons et moi, c'est ici
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