Comment écrit-on un recueil de poésie? Quelle est l'idée de départ qui lance l'écriture? Et si le recueil est publié pour les adolescents, est-ce que l'écriture change beaucoup? Voici certaines des questions qui me trottaient dans la tête depuis un moment et auxquelles Marc André Brouillette, qui a publié le recueil L'Exil mauve à la Courte échelle cet automne, a bien voulu répondre! Entrevue, donc, avec un poète inspiré...
Comment est venue l’idée d’écrire un recueil pour adolescents?
L’idée d’écrire L’exil mauve m’est venue du désir de traiter de la solitude – un sentiment qu’on ressent souvent de manière très forte pendant l’adolescence – et de l’importance du rêve dans la vie de chaque individu.
Vous écrivez habituellement pour un public adulte. Étiez-vous aussi à l’aise pour un public plus jeune? Referiez-vous l’expérience?
Bien que L’exil mauve soit publié dans une collection destinée aux adolescents, je ne conçois pas l’écriture de poèmes selon des publics distincts. La poésie a cette particularité de pouvoir être lue et saisie à tout âge, car elle repose, entre autres, sur la puissance et sur la musicalité du langage – que chaque enfant explore d’ailleurs très tôt en s’amusant. La poésie nous ramène sans cesse à notre propre découverte de la langue, et il n’y a pas d’âge pour cela. En revanche, j’ai beaucoup aimé l’expérience de traiter d’un sujet qui touche l’adolescence, sans toutefois parler directement de celle-ci. Et je réitérerais cette expérience avec un grand plaisir!
Avez-vous changé votre approche de la poésie pour vous adresser à des adolescents? Vous êtes-vous donné des contraintes?
Je ne crois pas avoir changé d’approche, car je ne souhaitais pas me transformer ou encore me mettre dans la peau d’un adolescent d’aujourd’hui, ce qui aurait été ridicule! Je souhaitais d’abord et avant tout traiter d’un sujet intime avec des images oniriques. Pour ce qui est des contraintes, ma préoccupation était de créer une voix – un « je » – qui habite un corps d’adolescent, ce qui a fait naître d’ailleurs plusieurs métaphores corporelles dans le recueil.
Comment vous êtes-vous inspiré pour L’exil mauve?
Je trouvais intéressant d’aborder les univers de la solitude et du rêve comme un déplacement, un mouvement qui transporte la personne dans un autre environnement, dans un ailleurs qui fait découvrir des choses – belles, moins belles, étranges ou fascinantes – sur soi. Dans mes recueils de poésie précédents, j’ai toujours accordé une importance toute particulière à l’espace, qu’il soit réel ou imaginaire. Dans L’exil mauve, la nuit se transforme en un espace qui entraîne la lectrice ou le lecteur à traverser plusieurs sentiments troubles.
Avez-vous un horaire d’écriture ou écrivez-vous au gré de l’inspiration?
J’aime beaucoup écrire de manière régulière car, chez moi, c’est un travail qui nécessite une certaine lenteur pour faire naître les images, le rythme…
Est-ce qu’il y a beaucoup de retravail dans votre poésie? Faites-vous plusieurs versions d’un même poème?
En général, chaque poème fait l’objet de plusieurs versions, et j’adore retravailler un texte! C’est un des moments les plus agréables de l’écriture!
Est-ce qu’un poète a aussi un directeur littéraire? Quel est le rôle de ce dernier?
Bien sûr! Dans le cas de L’exil mauve, c’est la renommée poète et romancière Élise Turcotte qui a assuré ce rôle, qui consiste essentiellement à créer un dialogue avec l’auteur et à poser un regard extérieur sur les textes, afin de s’assurer de la cohérence et de la précision de l’ensemble. C’est un rôle très important!
Lisez-vous beaucoup de poésie vous-même? Qu’est-ce que cela vous apporte?
C’est la lecture de la poésie qui m’a conduit à l’écriture – comme beaucoup de poètes d’ailleurs! Lorsque j’étais enfant, j’aimais la poésie parce qu’elle me surprenait avec ses rimes qui créaient une musicalité étonnante. Adolescent, j’ai plongé dans la poésie parce qu’elle abordait des sujets qu’on ne croyait pas de mon âge et qui soulevaient en moi d’innombrables questions. À cette époque, la poésie m’a permis de découvrir des mondes différents ; de vivre des sentiments qui me semblaient tout droit sortis de mon cœur et de mon corps ; de répondre à mes interrogations par de nouvelles questions ; de constater l’importance et la puissance des images dans la façon de s’exprimer ; de susciter ma curiosité à propos de la richesse de ma langue, qui peut exprimer des choses complexes avec des mots simples. Mais la poésie m’a surtout montré que je pouvais être touché par des mots, des images, des sons que je ne comprenais pas toujours entièrement, mais qui rejoignaient ce que je pouvais ressentir d’une manière très forte, très précise. La poésie me racontait des choses dont personne ne me parlait et dont j’avais une grande soif. Elle rendait accessibles l’inconnu et le mystère, avec lesquels il faut pourtant s’habituer à vivre, car chaque individu contient sa part d’ombre. Et elle continue aujourd’hui de m’apporter tout cela…
Rafale lecture!
Enfant, étiez-vous un grand lecteur?
Grand, je ne sais pas, mais assurément très gourmand!
Qui vous a donné le goût de lire?
Ma grand-mère paternelle était institutrice et m’a offert, dès mon plus jeune âge, des livres, des encyclopédies, des dictionnaires, des ouvrages illustrés. C’est la première personne qui, alors que j’étais enfant, m’a abonné à une revue. Je crois qu’elle a su ainsi me transmettre son attachement à la lecture. Cela m’a permis, entre autres, d’avoir accès à des univers diversifiés et, ensuite, d’établir mes préférences.
Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres?
Liberté. Chaque œuvre littéraire nous entraîne dans un imaginaire et un univers de pensée, qui nous permettent d’acquérir un peu plus d’autonomie et de liberté. En ce sens, le fait que la lecture soit un acte solitaire est une formidable condition de cette liberté, qu’on ne doit jamais cesser d’acquérir.
Quel est votre livre préféré?
Je serais incapable d’en choisir un! La lecture, c’est un mouvement qui enchaîne les œuvres et crée des jeux d’échos, d’où la nécessaire pluralité des livres.
Quel roman a marqué votre adolescence?
L’avalée des avalés de Réjean Ducharme.
Quel est le livre sur votre table de chevet?
Ma table de chevet contient une vingtaine de livres! Sur le dessus se trouve, en ce moment, le recueil L’opulence de la nuit de Charles Juliet.
Dans quel endroit préférez-vous lire?
Dans mon lit.
Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous?
Je serais un livre d’artistes : La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France de Blaise Cendrars et illustré par Sonia Delaunay. Rencontre inoubliable entre la poésie et l’image.
Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui ont aimé L’exil mauve?
La poésie de Jacques Brault, et tout particulièrement son magnifique recueil Moments fragiles (Éditions du Noroît).
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