Simon Boulerice, porte-parole de la Saison de la lecture !

 
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24 octobre 2016

Encore une fois cette année, la saison de la lecture à Montréal offre une foule d'activités autour de la littérature et Simon Boulerice en est le fier porte-parole. J'ai donc eu envie de profiter de l'occasion pour lui poser quelques questions ! 

Cher Simon, pourquoi as-tu accepté (voulu) être le porte-parole de la Saison de la lecture?

J’ai accepté, car je suis pour la démocratisation de la lecture. On a bien le droit de lire tout ce que l’on veut. J’ai la conviction que lire ne nous tire jamais vers le bas. C’est toujours un cas d’élévation, même quand la lecture ne vole pas haut! Je me trouve pas pire en tant que porte-parole de Saison, essentiellement car je n’ai pas le mépris facile pour les lectures des gens. Peut-être parce que je pars de loin?… Pour paraphraser Michel Tremblay, j’en suis venu au monde littéraire « par la porte d’en arrière ». J’ai commencé à lire avec des BD Archie, des romans Frissons et le journal intime de ma sœur. Et désolé Vicky, ce n’était pas précisément de la grande littérature. Mais c’est le chemin que j’ai pris pour en arriver à des lectures plus consistantes et riches. Sans ma sœur Vicky, pas de Pasolini!

Et si un Archie traine dans vos toilettes, je risque de le lire avec grande joie, la prochaine fois que j’irai au petit coin, chez vous.

Crédit Maxime LeducEst-ce que la lecture a toujours eu une place dans ta vie?

Dès que j’ai lu en cachette le journal intime de ma sœur qui, je le crois, romançait un brin sa vie, j’ai eu envie de lire des romans. J’ai commencé à lire pas mal à la fin du primaire. Au secondaire, je travaillais bénévolement à la bibliothèque de mon école, car je trouvais la présence des livres rassurante. Je lisais surtout des œuvres réalistes d’écrivaines. Je dévorais Suzanne Julien, Dominique Demers, Anique Poitras, Michèle Marineau, Sonia Sarfati… J’avais l’impression que mes lectures bonifiaient ma vie et amplifiaient mon empathie. J’écrivais même des lettres à mes auteures favorites. Puis un jour, la Courte échelle a mis la main sur mes commentaires et les a aimés. Elle m’a offert de devenir un lecteur rémunéré. Je lisais leur manuscrit, je répondais à un questionnaire, et on m’envoyait le livre publié, accompagné d’un chèque de 25 grosses piastres. Ça me rendait tellement fier! C’est ainsi que j’ai lu le magnifique Do pour Dolorès de Carole Fréchette avant tout le monde! Tsé!

Quel livre récent aurais-tu aimé lire adolescent, parmi tes livres ou ceux d'autres auteurs? 

Parmi mon œuvre, j’aurais aimé lire Les garçons courent plus vite, et ce pour deux raisons. D’abord, le thème. Je parle du désarroi adolescent, lié aux cours d’éducation physique. J’ai tenté de polir l’humiliation que ça représente, courir derrière tout le monde, jusqu’à aboutir à l’intimidation que vivent plusieurs jeunes dans des lieux clos (ici, les vestiaires). La seconde raison, c’est la forme. Il s’agit d’un recueil de poésie. Adolescent, j’étais intimidé par elle. La poésie me semblait alambiquée et inaccessible. J’ai cherché à lui donner une concrétude en la plantant dans un décor connu des jeunes – le gymnase – et en le baignant d’une musique familière : la trame sonore de la course navette Léger.

Chez les autres auteurs, je suis en train de lire le très beau Fé M fé d’Amélie Dumoulin, roman qui a remporté le Prix des libraires cette année, catégorie 12-17 ans. C’est d’une fraicheur exquise. La narration autant que les dialogues sont galvanisant d’originalité, d’humour et de sincérité. J’aurais aimé ce livre pour son ton unique, qui n’a rien d’aseptisé, pour l’histoire d’amour au féminin, et pour Montréal, avec son quartier Mile-End si bien décrit.

Tu es souvent en contact avec des jeunes, à travers des rencontres scolaires entre autres, qu’est-ce qu’ils aiment de ton écriture?

On me parle de deux choses, surtout : mon humour et mes personnages. On relève la vulnérabilité de mes héros et la force de mes héroïnes. Mais plus que tout, je remarque que mes souvenirs personnels résonnent en eux. Par exemple, quand, dans La Tempête est bonne, je parle de la pile de manteaux sur le lit de mes grands-parents, le soir de Noël, les enfants font « oui » de la tête avec un enthousiasme rare. Les souvenirs intimes ont souvent quelque chose d’universel, et je suis heureux de nourrir ou renforcir leur imaginaire collectif.

Comment peut-on changer positivement le rapport des adolescents à la lecture?

En les encerclant de livres. Il devrait y avoir des livres dans toutes les classes et toutes les chambres, et de tous les genres : des romans graphiques, de la poésie, des nouvelles, du théâtre… Et pas des livres trop poussiéreux. Qu’il y ait des livres qui leur parlent du ici, maintenant. Qu’ils leur parlent d’eux. Pas que d’eux, bien sûr. Mais entre autres.

Et pour ne pas que ces livres soient intimidants, il faut les présenter. Que les profs et les parents soient des passeurs. Il ne faut jamais hésiter à partager ses passions et ses coups de cœur aux enfants et aux ados, car ce sont les jeunes sont les meilleures éponges qui soient.

Est-ce que certains enseignants de français t’ont marqué? 

Ils m’ont tous marqué, car c’étaient de grands lecteurs. Dans le lot, je me rappelle surtout de Janique Lepage, une lectrice boulimique inspirante tellement curieuse, et Serge Boucher, le talentueux dramaturge et scénariste. C’est lui d’ailleurs qui m’a fait découvrir le théâtre de Michel Tremblay et imposé une lecture qui me révulsait à la base : Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy. Je lui en serai toujours reconnaissant. Depuis, je suis pour certaines lectures obligatoires au secondaire.

Lis-tu pendant que tu écris? 

Je lis constamment. Surtout quand j’écris. Ce que je lis vient contaminer positivement ce que je crée. Même si ça n’a pas de lien. En fait, surtout si ça n’a pas de lien. Même quand je lis certaines biographies un peu bâclées ou nounounes pour mes chroniques BIO-POP ou de puérils guides pratiques pour Simon l’a testé pour vous à Plus on est de fous plus on lit, il me reste des traces positives. Ça nourrit mon imaginaire autant que mes personnages. Pourquoi mon personnage ne pourrait pas avoir le même sourire que Vanessa Paradis ou posséder des aptitudes pour tirer ses amis au tarot?

Tu écris pour tous les publics, mais spécialement pour la jeunesse. Qu’est-ce qui t’attire dans ce public?

Rétrospectivement, après avoir écrit tant de livres pour ce lectorat, je constate que je me permets étonnamment plus de libertés. Je m’y amuse souvent un peu plus. J’agis de manière plus décomplexée. Et sincèrement, j’ignore pourquoi. Peut-être est-ce une question d’imaginaire? Les enfants et les ados ont particulièrement d’estime pour ce qui stimule leur créativité. Et dans ce jeu de résonnance, je me reconnais en eux.

Dans quels endroits, à quels moments préfères-tu lire?

Je lis partout et tout le temps. Mais surtout en déplacement. Dans le métro, en marchant ou en faisant mon elliptique au gym. J’aime lire en mouvement. Pour moi, lire n’est pas une chose passive. C’est actif. Moi, je surligne et souligne dans mes livres, je prends des notes dans les marges. C’est une activité absolument engageante et je m’investis dans chacune de mes lectures.

Quelle est la saison idéale pour lire?

Clairement l’automne. C’est la plus poétique. Quand il pleut dans les feuilles mortes et que la fraicheur s’installe allègrement comme un chat, j’aime lire emmitouflé à la maison. Je ne bois pas de café. Lire un livre au son de la pluie, c’est mon café à moi : c’est réconfortant autant que vivifiant.

Cet automne, Simon Boulerice est hyperactif. Il a publié Géolocaliser l’amour, L’enfant mascara et Les 11 ans fulgurants de Pierre-Henri Dumouchel et publiera 4 petits livres également chez Fonfon au début novembre. Lisez-le ! 

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