Entrevue avec Fred Paronuzzi

 
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20 mars 2012

J'ai rencontré Fred Paronuzzi au travers d'Un cargo pour Berlin et j'ai tout de suite été emballée par son écriture. Aussi, quand il a parlé de son nouveau roman Mon père est américain sur Facebook, je me suis empressée de l'obtenir. De nouveau, l'auteur aborde des thèmes forts et peu présents en littérature jeunesse. J'ai donc eu envie d'en apprendre plus sur son inspiration. Voici notre entretien! 

Comment est née l’histoire de Léo ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de traiter le thème de la peine de mort ?

 L’histoire de Léo est née de plusieurs éléments. Mon intérêt pour la société américaine, d’abord - j’enseigne l’anglais et j’ai par ailleurs vécu plusieurs années en Amérique du Nord. De même, j’ai longuement correspondu dans le passé avec des prisonniers du couloir de la mort. Je ne l’ai pas fait dans le but d’écrire un livre, l’idée est venue par la suite. J’ai essayé, modestement, d’apporter un peu « d’air extérieur » à des personnes détenues dans des conditions indignes. Une expérience très forte et très déstabilisante… Et puis cette histoire d’un ado qui se construit sans père trouvait un écho très profond dans ma propre histoire. Au final, écrire ce livre, au-delà du témoignage, a aussi été une catharsis…
 
Comment est-ce qu’on l’aborde pour le présenter à des adolescents ? Avez-vous eu de la difficulté à trouver le bon angle ? Vous êtes-vous censuré ?
 
Je ne me censure en aucun cas ! Et je ne pense jamais au lecteur lorsque j’écris, j’aurais trop peur de tomber dans la facilité, la démagogie, l’effet calculé, le récit fabriqué, calibré. Je n’ai pas non plus le sentiment d’écrire spécialement pour les adolescents (et d’ailleurs, mes livres jeunesse sont beaucoup lus pas les adultes). Si je suis publié chez Thierry Magnier, c’est avant tout un désir/plaisir éditorial. » J’apprécie la richesse de leur catalogue, la qualité de leur travail, leur exigence. Je me sens bien chez eux - et respecté !… Trouver le bon angle, vous avez raison, n’est jamais facile, mais c’est le cas pour chaque livre, quel qu’en soit le sujet. Il faut que le récit trouve sa « petite musique » personnelle, unique. Et ça, oui, c’est une gros travail fait de tâtonnements, d’essais, d’échecs parfois…
 
Pour vous était-ce important de laisser Benjamin Carr, le père de Léo, s’exprimer ? Qu’est-ce que ses lettres apportent de plus ? 
 
Laisser Benjamin s’exprimer m’est vite apparu comme une évidence. Il offre un témoignage de première main sur la vie carcérale. Il donne aussi une voix au père. Et, à travers cette voix, un corps, une présence. Je voulais que le lecteur / la lectrice puisse approcher ce que Léo ressent à la lecture des courriers de son père… Plus prosaïquement, ces lettres permettent de donner du rythme au récit.
 
Le personnage de Yannis est homosexuel, mais le tout est traité très normalement. Est-ce ce que vous voyez de plus en plus chez les jeunes qui vous entourent ?
 
En ce qui me concerne, je ne vois rien que de très normal à choisir son orientation sexuelle et à vivre pleinement sa sexualité. C’est même, il me semble, un droit fondamental. L’homophobie, comme toute forme de rejet et d’injustice, me révolte et me dégoûte profondément.

Je crois que les mentalités, heureusement, commencent à évoluer dans le bon sens, celui de l’acception de l’autre et de ses différences. Il reste, cependant, un gros travail à faire et j’espère qu’un livre comme Mon père est américain, à son très modeste niveau, fera réfléchir les ados (et les adultes) qui le liront. On me trouvera naïf (voire cul cul), mais je crois sincèrement que l’amour, entre deux personnes de sexe opposé ou du même sexe, est un sentiment merveilleux et hautement respectable.
 
Vous représentez l’adolescence avec beaucoup d’authenticité. Vous inspirez-vous de personnes de votre entourage ? Est-ce que des adolescents ont lu votre roman avant la version finale ?
 
Merci beaucoup, c’est pour moi un très beau compliment ! Je m’inspire des ados que je connais personnellement et qui me sont proches, oui, et aussi de mes élèves. Mon métier est en prise directe avec l’adolescence et je trouve cette période de la vie fascinante. Entre enfance et âge adulte. C’est l’âge de tous les possibles, celui pendant lequel on construit son identité. C’est aussi une matière romanesque précieuse et infinie… Je fais lire mes textes à une seule et unique personne avant de l’envoyer à mon éditrice – et cette personne n’est plus une adolescente depuis… quelques années !
 
Avez-vous fait un plan avant d’écrire ? Vos personnages vous surprennent-il parfois ?
 
Je ne fais pas de plan, mais je sais où je vais (d’où je viens !) et j’ai également en tête les personnages principaux du roman.
C’est là, je crois, un des grands plaisirs de l’écriture : se laisser surprendre par ses personnages. Cela m’arrive souvent. Et c’est alors comme s’ils avaient une vie propre, une certaine autonomie. J’adore le sentiment de ne pas tout contrôler, d’être parfois le jouet de ses propres créations ! (Le mythe de Frankestein, c’est sûr, n’est pas loin !)
 
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire de la littérature jeunesse ?
 
J’ai en partie répondu plus haut à cette question. Pour moi il y a de bons et de moins bons livres. Point ! Jeunesse, vieillesse, ces étiquettes n’ont pas vraiment de sens (même si j’ai conscience du mépris – dû le plus souvent à une ignorance crasse - dont est victime la première catégorie)… J’ajouterai juste que j’ai très envie, dans le futur, d’écrire des albums pour les plus petits. Je rêve depuis fort longtemps d’une collaboration avec des illustrateurs et j’espère un jour concrétiser ce rêve-là.
 
Est-ce que vous lisez vous-même beaucoup de littérature jeunesse ? Si oui, quels sont les auteurs qui vous ont marqué ?
 
Je lis beaucoup de livres, certains sont excellents, d’autres me tombent des mains, certains sont estampillés « jeunesse », d’autre pas.
Les auteurs que je citerais, spontanément et en vrac, sont Lewis Carroll et son immortelle Alice, Stevenson et son île au trésor (son docteur Jekyll est bien aussi !), Jules Verne et, dans un autre style, Claude Ponti… plein d’autres encore !
 
Rafale lecture ! 
 
Enfant, étiez-vous un grand lecteur ?
 
Je lisais énormément de bandes dessinées, genre que j’apprécie toujours même si j’ai moins de temps à lui consacrer. Puis j’ai découvert la science-fiction. Et enfin la littérature plus « classique. »
 
Qui vous a donné le goût de lire ? 
 
Ma passion pour les livres et la lecture m’est venue en hypokhâgne. Le prof de français (monsieur Carat, je crois) nous a fait étudier En attendant Godot de Beckett, L’homme qui rit de Victor Hugo, Les liaisons dangereuses de Laclos, Voyage au bout de la nuit de Céline… quatre coups de foudre ! Des textes essentiels qui ont changé ma conception de la vie.
 
Êtes-vous aujourd’hui un grand lecteur en général? Que lisez-vous ?
 
Je lis beaucoup (pas autant que je le voudrais, l’écriture est chronophage). De tout (romans, théâtre, nouvelles, plus rarement de la poésie), mais surtout de la littérature du XXe siècle. Et des livres de tous pays. La littérature – c’est un cliché, mais tant pis – est aussi un excellent moyen de voyager à peu de frais.
 
Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres ? 
 
Peut-être le mot « accro. » J’ai développé au fil du temps une dépendance et il m’est très difficile de passer une journée sans lire ou écrire. Ou alors il y a manque, frustration…

Quel est votre livre préféré ?
 
Le voyage au bout de la nuit de Céline.
 
Quel roman a marqué votre adolescence ?
 
Tous les écrits de Boris Vian (romans, chansons, nouvelles)… impossible de choisir. La liberté de ton de cet auteur m’a bouleversé (et me ravit toujours).

Quel est le livre sur votre table de chevet ?
 
En ce moment : Les fleurs du mal de Baudelaire (que je relis).
 
Dans quel endroit préférez-vous lire ?
 
Mon lit.

Si vous étiez un livre lequel seriez-vous ? 
 
Hamlet ou Macbeth ou encore Le songe d’une nuit d’été… enfin, une des très grandes pièces de Shakespeare. Du rire, des larmes, de la poésie, des drames, de la profondeur, de la légèreté… c’est tellement parfait !
 
Avez-vous une suggestion pour ceux qui ont aimé Mon père est américain ?
 
Le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo. Le plus beau texte jamais écrit pour dénoncer cette insupportable barbarie qu’est la peine de mort.
 
Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
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Morisoph (23.03.12 à 13 h 52)

J'adore! Quel auteur intéressant. J'ai hâte de lire son dernier livre. Bravo pour l'entrevue.

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