Depuis que je donne des formations sur la lecture que je parle de l’importance des espaces consacrés à a lecture dans les classes (et même au secondaire!), mais je manquais d’exemples concrets à partager. Heureusement, les réseaux sociaux sont remplis d’enseignants passionnés et j’ai découvert les coins lecture de Marie Germain, enseignante en sixième année à l’école Christ-Roy, et de Marie-Andrée Arsenault, enseignante en deuxième et troisième secondaire au Collège Saint-Hilaire. Voici donc leur témoignage.
Marie : La déco est mon inspiration! Je voulais accrocher les gars autant que les filles. Je désirais sortir du cadre et démontrer qu’il est possible de colorier en dehors des lignes. Ce n’est pas ce qu’on aime de nos élèves? Lorsqu’ils nous surprennent avec leurs réponses, leurs réalisations? Je suis de celle qui croit qu’on ne peut enseigner que ce que l’on est. Si je veux que mes élèves puissent prendre plaisir au livre, je dois leur montrer que c’est passionnant de lire. Pour moi, la lecture, c’est un monde chaleureux, un monde, des mondes à découvrir! Alors un coin lecture ne pouvait être autrement que comme cela…
Et puis qui se trouve dans cette classe? Pas seulement moi! Il y a plus de jeunes prépubères que de moi! Ils l’emportent! Ce n’est pas ma classe, mais la nôtre! Et croyez-moi qu’ils en prennent soin! C’est donc nécessaire d’adapter le lieu aux types d’élèves à qui l’on enseigne.
Mon école se trouve dans un milieu défavorisé et c’est un devoir que je me donne d’offrir aux enfants un lieu où il fait bon- vivre, où ils puissent se sentir « à la maison ». Qu’ils puissent avoir du plaisir à venir à l’école. Que nous rappelons-nous justement de l’école? Bien davantage des relations que des notions… Et l’ambiance en est pour quelque chose aussi! Le bain, la tête de chevreuil, les plaques d’auto, les pneus… Tout est pensé pour que les jeunes puissent être attirés par ce coin.
Marie-Andrée : À la base, c’est moi et le hasard, au sens où on nous a fait don de deux divans que nous avons « accueillis » dans la classe sans poser de questions. C’est là que tout a commencé.
Ensuite, j’ai demandé aux élèves quelles étaient les couleurs à privilégier pour la décoration de l’espace, ce qui m’a permis de me procurer des jetés et des coussins pouvant correspondre à leurs gouts.
Notons que les garçons voulaient un foyer et une machine à maïs soufflé. Ce n’est toujours pas fait!
Les filles avaient une opinion sur la disposition des meubles – elles souhaitaient que le coin lecture ressemble à un vrai salon. J’ai donc suivi leurs conseils. Nous avons même rapatrié des cadres qui étaient installés ailleurs dans la classe.
Je crois qu’ils sont désormais très fiers de cet espace qui est le seul de ce type dans tout le collège.
Marie : Bien sûr ! Le seul moment où ils ne peuvent le fréquenter est lorsque je m’adresse au groupe entier. Également, lors d’une journée de suppléance, les règles sont un peu différentes afin d’aider la personne qui me remplace à bien gérer le tout.
Marie-Andrée : Les élèves peuvent profiter du coin lors du 15 minutes de lecture de chaque début de cours de français ainsi que pendant les périodes d’étude qui ont lieu sur l’heure du midi. Certains enseignants des autres matières les laissent aussi en bénéficier lorsqu’ils ont terminé leurs travaux dans leurs cours.
Autant le coin lecture peut représenter un danger pour une bonne gestion de classe (j’ai eu peur au début!), autant il favorise actuellement cette même gestion de classe. Ainsi, à partir du moment où les élèves comprennent qu’il s’agit d’un privilège, ils s’y comportent généralement correctement et profitent de cet espace, ce qui encourage les enseignants à les laisser y aller plus fréquemment.
Résultat : les élèves associent de plus en plus le coin lecture à une récompense et donc la lecture au plaisir.
Marie : Ils ont été choisis par moi et par les enfants dont la piqure de la lecture a été administrée! Nous avons des livres classés selon les genres littéraires. Il y a également des livres pour les différents niveaux de lecteur. J’essaie de sortir de la zone connue des livres marketing et les amener vers d’autres titres. Éventuellement, sur la carte du monde seront épinglés les titres des livres de notre bibliothèque et leur pays d’origine. Je crois également qu’une bonne bibliothèque doit être garnie d’auteurs provenant des quatre coins du globe. Ah cette culture si riche à laquelle nos jeunes peuvent avoir accès!
Tous les livres se trouvant au coin lecture, je les ai lus. Connaitre ce qu’il y a dans ma bibliothèque de classe est important pour pouvoir conseiller le bon livre selon le type de lecteur et selon les intérêts de chacun. Une anecdote : après la rencontre de parents de novembre, j’ai pris la peine de placer un livre différent à chacune des tables de travail de mes élèves. J’avais choisi ces livres en pensant à chacun d’eux. Sur chacun des bouquins, j’avais apposé un mémo en les incitant à lire, en leur expliquant brièvement que j’avais pensé à lui ou elle, que c’était un « trop top livre » et qu’il fallait qu’on s’en reparle après leur lecture. Eh bien, croyez-le ou non, les élèves ont tous lu leur livre et plusieurs m’ont déjà demandé un autre à lire!
Marie-Andrée : J’ai travaillé quelques années dans le milieu de l’édition pour la jeunesse, ce qui m’a permis de bien connaitre ce milieu et de développer un intérêt pour ce qui s’y produit tout en me procurant des titres intéressants.
J’ai aussi eu la chance de grandir dans une maison remplie de livres! Ainsi, quand j’ai commencé à enseigner, j’ai pu réutiliser tous les romans que ma sœur et moi avions accumulés pendant notre adolescence.
Enfin, j’ai acheté une bonne quantité des exemplaires de ma classe dans les librairies, principalement dans celles se spécialisant dans la revente de livres usagés. J’ai un faible pour L’échange sur Mont-Royal.
Pour ce qui est de choisir les titres, je lis beaucoup les journaux et je suis différents fils de discussion portant sur la littérature jeunesse sur les réseaux sociaux comme Facebook. J’en parle d’ailleurs avec les élèves en début de cours, ce qui permet souvent de leur démontrer que le monde du livre est vivant et de « mousser » l’arrivée d’un nouveau livre dans le coin lecture de la classe.
Finalement, chaque année, nous suivons le blogue de Sophie Lit (eh oui!) avec les élèves et ils peuvent faire leurs demandes pour la bibliothèque de la classe.
Marie : Tout à fait! Chaque élève a un sac de lecture (mini sac réutilisable d’épicerie achetée bon marché au supermarché du coin) qu’il traine avec lui lorsque nous avons notre période de bibliothèque. Pour ce qui est de la gestion des retours et des prêts, je n’ai jamais eu de problèmes en ce qui concerne la remise des livres. Les enfants savent que ces livres sont précieux pour moi alors ils en prennent soin. Tout comme tout le matériel de la classe.
Marie-Andrée : En début d’année, j’explique aux élèves que ces livres sont pour eux, mais qu’ils sont avant tout les miens. Je clarifie avec eux l’importance de faire attention à chaque ouvrage afin que le plus d’élèves possible puissent en profiter.
Par la suite, les élèves semblent avoir envie d’honorer la confiance que j’ai en eux. Cela peut sembler simple ou naïf, mais c’est ainsi!
Je n’ai perdu que quelques titres en sept ans de bibliothèque de classe. Ce sont de bien maigres pertes par rapport à tous les gains faits en terme de nouveaux élèves accrochés à la lecture. De façon générale, les élèves savent que les livres du coin lecture doivent demeurer dans la classe et, de préférence, dans la bibliothèque.
Or, la réalité, c’est que plusieurs se retrouvent dans les bureaux des élèves en cours de lecture, ce qui ne me dérange pas du tout en fait. Après tout, ils lisent.
Il peut aussi arriver que des élèves me demandent d’apporter un roman à la maison pour une soirée, une fin de semaine ou un long congé. Cela me fait toujours plaisir d’acquiescer, car je considère alors que c’est une réussite de plus dans mon travail. Au risque de me répéter : ils lisent.
Marie : Énormément! J’ai vu une recrudescence dans l’intérêt porté aux livres. Bien entendu toute l’animation autour du livre dans le quotidien de la classe joue aussi sur la motivation à lire. Il ne faut pas que le mot « bouquin » égale « évaluation ». Une telle équation signe l’arrêt de mort quant à cette relation que j’essaie de bâtir entre l’enfant et le livre. Une relation… ça s’entretient! Ça demande de prendre le temps…
Marie-Andrée : Oui! Absolument!
Mieux encore, cela encourage une association entre la lecture et le plaisir.
En effet, les élèves sont prêts à lire pour pouvoir profiter de cet espace qui leur ressemble. Ainsi, parfois malgré eux, ils y découvrent un livre qu’ils n’auraient pas ouvert dans d’autres conditions. C’est, à mon sens, très encourageant!
Marie : Tous! Je dois piger des noms pour éviter qu’il soit engorgé! Les élèves adorent y aller pour travailler ou lire. Étonnamment les gars de la classe adorent particulièrement le bain rempli de coussin. Alors, les rumeurs que les garçons n’aiment pas lire… C’est en changement avec enpremièreclasse !
Marie-Andrée : Étonnamment, surtout les « petits gars qui bougent »! Ils voient en effet là la possibilité de s’installer ailleurs qu’à leur bureau, de bénéficier d’un autre espace, d’une liberté particulière.
Et plus j’ajoute des bandes dessinées et des livres « repose-cerveau », comme nous appelons les livres ludiques dans ma classe, plus les garçons y vont!
Marie :
- Ding Dong, Robert Soulières, Soulières éditeur
- La collection du petit Nicolas, René Goscinny, Gallimard
- Le garçon en pyjama rayé, John Boyne, Gallimard
Marie-Andrée :
- La plus grosse poutine du monde, Andrée Poulin, Bayard Canada
- Le voleur de sandwichs, André Marois, La Pastèque
- La série (k), Sophie Bienvenu, La courte échelle
En réalité, les livres qui fonctionnent le plus sont ceux qui correspondent aux besoins des périodes de lecture, qui sont assez courtes, il faut le dire. Ainsi, les livres dans lesquels les élèves peuvent se plonger sans trop de difficulté pendant une quinzaine de minutes et y revenir le lendemain ou le surlendemain sans en avoir perdu le fil sont très souvent les favoris.
C’est pourquoi je mise sur des livres illustrés (il y a de si beaux albums pour les adolescents), entre autres sur ceux de La Pastèque, les parutions comme celles de la collection Zèbre chez Bayard Canada ou celles de la collection Epizzod à La courte échelle. Les livres plus ludiques que sérieux ont aussi la cote!
Marie : Mon coup de coeur est l'auteur Timothée de Fombelle, qui a écrit récemment Le livre de Perle (j'attends avec ferveur le deuxième tome!), Vango et Tobie Lolness
Marie-Andrée : Jane, le renard et moi, écrit par Fanny Britt, illustré par Isabelle Arsenault et publié par La Pastèque, est mon coup de cœur à vie. Tout simplement.
Suivez Marie Germain sur le site Enpremièreclasse ou sur Twitter et Marie-Andrée Arsenault via Facebook, dans ses péripéties de Mme A!
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