Le regard des adultes sur la littérature pour ados… déconnecté?

 
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3 février 2016

Article écrit dans le cadre de notre partenariat avec Lecture Jeune. 

Un article de Morgane Vasta dans le dernier numéro de Lecture Jeunesse m’a particulièrement interpelée. Celle qui est médiatrice du livre auprès de publics adolescents et préadolescents depuis dix ans y parle des différences entre les palmarès établis par les adultes pour les romans pour adolescents et ceux qui le sont par les adolescents eux-mêmes. Il est vrai que les différences sont souvent assez grandes. Si certaines œuvres rejoignent les deux publics, elles sont peu nombreuses.

J’ai fait cette expérience moi-même en décembre lorsque j’ai publié mes romans coups de cœur de 2015. J’en ai profité pour proposer à Kelly-Ann Oligny, adolescente responsable de la section livres de la revue Curium, de me donner son top 5 à elle.

Voici ce que cela a donné :

Choix de Sophie

Choix de Kelly-Ann

Fé M Fé (Amélie Dumoulin)

La Sélection (Kiera Kass)

Les petites reines (Clémentine Beauvais)

Imposteur (Suzanne Winnacker)

Le soleil est pour toi (Jandy Nelson)

Le passager (Patrick Sénécal)

Les chiens (Allan Stratton)

Wake (Lisa McMann)

De cape et de mots (Flore Vesco)

Demain (Guillaume Musso)

                  

Si nous n’avons pas lu toutes les deux la même sélection de livres au courant de l’année, on distingue tout de même une différence dans notre sélection, la mienne ciblant des textes forts tant que le plan de l’histoire que de la langue, le style, la sienne mettant en avant des titres qui lui l’ont transportée, point et que, si je reconnais qu'ils exercent une attraction certaine, ne m'ont pas particulièrement plu.         

Se basant sur une étude qu’elle réalise dans le cadre de son Master, Morgane Vasta relève que « les adultes ont eu une préférence pour des ouvrages s’appuyant plus particulièrement sur des effets de curiosité, liés aux jeux d’indices semés dans les textes pour dénouer le nœud principal de l’intrigue ; tandis que les adolescents ont privilégié des livres jouant principalement sur des effets de suspense, favorisant l’immersion fictionnelle et l’empathie pour les personnages. Ainsi, dans le cadre de ces prix littéraires, les adultes auraient eu une lecture cognitive des textes, tandis que les adolescents auraient plus particulièrement été sensibles aux émotions qu’ils suscitent. »

Est-ce l’âge qui joue? Est-ce seulement une question de personnalité? C’est ce qui explique peut-être que «  la médiation s’opèrerait de moins en moins « verticalement » entre le prescripteur « d’autorité » et les jeunes, tandis que l’influence des recommandations entre pairs serait exponentielle.

En livrant un discours consensuel à propos d’une sélection à laquelle les jeunes participent rarement, nous rédigeons une ordonnance qui ne prend pas suffisamment en considération les pratiques de ceux qui la consultent[1]. Sommes-nous les plus qualifiés pour conseiller les adolescents ? Lecteurs professionnels, nous tentons de faire communiquer nos propres expériences expertes avec nos présupposés sur les besoins des jeunes. Cet éternel dilemme du médiateur du livre, « lire pour un autre lecteur », est d’autant plus complexe que ce dernier n’a ni les mêmes références culturelles, ni les mêmes préoccupations, à un âge de la vie agité par de grandes transformations[2]. Est-ce l’une des raisons pour lesquelles nous osons rarement confronter nos jugements critiques aux leurs ? »

Ça fait réfléchir, non? Quelles sont les qualités d’un bon prescripteur? Est-ce que ceux qui veulent faire découvrir la littérature jeunesse aux adolescents (et je me compte parmi eux) sont vraiment connectés sur les titres qui allument ce public? Et est-ce mal de vouloir leur faire découvrir autre chose, de vouloir mettre de l’avant des titres parfois plus « littéraires » vers lesquels ils n’iraient pas eux-mêmes? Et vous, qu’en pensez-vous?

Pour lire l’article complet de Morgane Vasta et pour découvrir d’autres articles sur le sujet, procurez-vous le numéro 155 de Lecture Jeune - (Auto)censure.

[1] J’omets volontairement la relation confiante et familière qui peut s’établir entre grands lecteurs adolescents et médiateurs, pérennisée par des conseils ajustés au fil des échanges.

[2] Pour aller plus loin sur le sujet : Le Breton David, Cultures adolescentes, entre turbulence et construction de soi, Autrement, 2008 ; Octobre Sylvie, Deux pouces et des neurones, DEPS, 2014 ; Rolland Annie, Qui a peur de la littérature ados ? Thierry Magnier, 2008.

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