Depuis qu’une conférencière est venue nous partager son amour des albums pour adolescents dans le cadre d’un cours à l’université, j’ai développé une réelle passion pour ce type de livres. En plus d’être souvent des chefs-d’œuvre en soi grâce à de nombreux illustrateurs talentueux, la richesse des textes fait en sorte qu’ils sont aussi fort intéressants à travailler dans les cours de français (entre autres, mais pas que, car on gagnerait à les utiliser dans d’autres cours également). Que ce soit pour modéliser une stratégie de lecture ou amener les élèves à en mettre en pratique, travailler l’une des quatre dimensions de la lecture (ou toutes à la fois), pratiquer la justification, servir de point de départ pour une situation d’écriture… les possibilités d’exploitation sont immenses.
Le principal avantage des albums par rapport aux romans ? Ils sont courts. Il est donc possible, en un seul cours, de lire une histoire au complet plutôt qu’en feuilleton comme pour les romans.
« – Tu leur lis des histoires? Tu n’enseignes pas au secondaire?
– Oui! Et si vous saviez comme ils aiment ça! »
On pense souvent, à tort, qu’en grandissant, nos élèves cessent d’apprécier de se faire lire des histoires. Si vous pouviez voir leur expression et entendre leurs chuchotements quand j’entre en classe, un album sous le bras. « Oh yes! On va lire un album! » Ils ne démontrent pas tous leur enthousiasme aussi clairement, mais leur niveau d’attention (largement plus élevé que lors d’un cours sur les participes passés) laisse quand même percevoir l’intérêt de la majorité.
Depuis donc cette fameuse conférence, j’ai acheté (compulsivement) plusieurs albums. Mes cadeaux de fête et de Noël y sont souvent passés aussi. Si bien que je me suis retrouvé avec un (heureux) problème : j’avais plus d’albums que d’idées d’exploitation. Plutôt que de laisser ces livres dormir sur la tablette de ma bibliothèque en attendant l’inspiration, j’ai eu l’idée de construire des cartes à tâche.
L’idée est toute simple. Les cartes à tâche sont des cartes sur lesquelles se retrouvent des questions appartenant aux quatre dimensions la lecture : compréhension, interprétation, réaction et jugement critique. Les questions étant numérotées, les élèves n’ont pas besoin de retranscrire chacune d’entre elles sur leur feuille : ils n’ont qu’à identifier le titre de l’album et à inscrire le numéro de la question. Personnellement, je leur demande de répondre aux questions dans leur carnet de lecture, que j’utilise, entre autres, pour les lectures en grand groupe, les exercices et les lectures personnelles. Pour chaque album inutilisé, donc, j’ai construit une série de cartes à tâche.
Ces cartes me permettront de combler plusieurs besoins au quotidien. Je les utiliserai d’une part comme enrichissement avec mes p’tits rapides. Ceux qui terminent toujours leur travail bien trop rapidement, mais que même en le scrutant scrupuleusement, je ne trouve rien à redire. Plutôt que de leur demander de s’occuper, je leur proposerai de réaliser ces cartes à tâche en guise de défi. Pour les p’tits rapides un peu paresseux, il suffit parfois de proposer des points bonis pour réussir à les convaincre.
Je les utiliserai également à des fins de récupération avec les élèves éprouvant des difficultés en lecture. Oui, la lecture, ça s’enseigne. Oui, on doit modéliser les stratégies de lecture, guider les élèves dans l’application de celles-ci… mais il reste que la pratique est cruciale dans le développement des compétences. Utiliser les albums pour amener les élèves à consolider leurs apprentissages offre plusieurs avantages. D’abord, les albums sont beaucoup plus attrayants qu’un texte photocopié d’un manuel d’exercices. Ils amènent aussi les élèves à développer leurs compétences à lire non seulement du texte, mais également des images. Finalement, comme je l’ai mentionné plus haut, ils permettent de lire, dans un laps de temps assez court, une histoire complète. Comme mon matériel est déjà préparé, même si ma récupération ne porte pas sur la lecture, rien n’empêche un élève de se présenter et s’installer au fond de la classe pour lire un album et répondre aux questions des cartes à tâche dans son carnet. Je pourrai alors lui offrir une rétroaction ultérieurement en corrigeant et annotant ses réponses. Aussi, puisque le type de questions est identifié sur chaque carte, un élève qui souhaiterait ne travailler que l’interprétation, par exemple, pourrait ne répondre qu’à ces questions. Pour les élèves plus en difficulté chez qui écrire les réponses ajoute un degré de difficulté supplémentaire, on pourrait proposer de répondre aux questions oralement lors d’une rencontre individuelle. Le petit plus : même si ces lectures ne se font pas dans le cadre d’une évaluation formelle, elles restent quand même des traces intéressantes et pertinentes des progrès réalisés par les élèves.
Finalement, dans mes cours, ces cartes peuvent s’avérer très utiles pour réaliser des ateliers de lecture autour des albums. En équipe de trois ou quatre, les élèves peuvent faire une lecture commune du livre et ensuite répondre oralement aux questions des cartes à tâche. En échangeant ainsi, leur compréhension de leur lecture risque d’être bien plus profonde et complète. Par exemple, un élève pourrait avoir relevé un détail qui sera passé inaperçu aux yeux de ses pairs, tandis qu’un autre pourrait avoir des connaissances culturelles supplémentaires qui lui permettent de mieux comprendre ou interpréter un élément de l’histoire. Pendant ce temps, je circule à travers la classe afin de les guider et de voir se construire leur réflexion. Pour ce type d’exploitation, les intentions pédagogiques des cartes à tâche peuvent être multiples : les questions peuvent amener les élèves à pratiquer une stratégie de lecture en particulier, on peut également travailler leur compréhension, leur interprétation, leur réaction et leur jugement critique face à l’oeuvre en question, on pourrait aussi ne poser que des questions d’inférences pour que les élèves se pratiquent à en faire... Ces cartes peuvent même servir d’amorce à un projet. Pour ce faire, on peut bâtir un réseau littéraire autour du thème de ce projet afin d’entamer une réflexion chez les élèves ou leur donner certains repères. Par exemple, pour ma SAÉ sur Les enfants et la guerre, je me suis procuré plusieurs albums traitant du sujet. En équipe, les élèves liront les différents livres et répondront collectivement aux questions portant sur les quatre dimensions de la lecture. Ainsi, lorsque le projet sera lancé, ils auront déjà réfléchi aux différents impacts qu’ont les guerres sur la vie des enfants et arriveront à faire des liens entre la fiction des albums et la réalité. Mes questions, quant à elles, auront poussé la réflexion des élèves afin d’éviter qu’ils ne restent qu’en surface tout en les amenant à développer leurs compétences en lecture.
Pour terminer, ce que je trouve particulièrement bien avec cette façon d’exploiter les albums, c’est qu’elle permet de mettre les élèves en contact direct avec ceux-ci. Contrairement à quand la lecture est réalisée en grand groupe, les élèves peuvent s’attarder plus longuement sur une page, relire une phrase qu’ils n’ont pas bien comprise, revenir à une page antérieure, regarder de près les illustrations pour en voir les détails…
P.S. : Pour les intéressés ou les curieux, mes cartes à tâche sont disponibles gratuitement sur ma boutique Mieux enseigner.
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