Entrevue avec Patrice Cazeault

 
Partagez sur Facebook Parlez-en sur Twitter

8 juin 2012

Entrevue menée par Eve Patenaude

J'ai découvert Patrice Cazeault grâce au merveilleux monde de Facebook, car on finit par tous se connaître, auteurs québécois, dans le milieu! Sa série, Averia, m'intriguait, m'interpellait: de la SF sur fond de révolution. Tout à fait mon genre! Eh bien, comme en témoigne mon billet sur le premier tome, Seki, j'ai vraiment adoré! J'ai eu la chance de rencontrer Patrice aux salons du livre de Trois-Rivières et de Québec, de jaser avec lui, et de découvrir un auteur intéressant, passionné, aux préoccupations qui recoupaient les miennes. J'ai eu envie d'en savoir plus sur son parcours et sur son projet littéraire. Voici ses réponses. Visite dans les coulisses d'Averia!

Avec Seki et Annika, tu publiais tes premiers livres. Écrivais-tu beaucoup avant cela? Averia est-il ton premier projet?


J’avais entamé quelques projets auparavant (dont une comédie préhistorique qui me plaisait beaucoup!), mais ils finissaient tous par mourir au bout de cinq à dix pages. On apprend énormément, quand on commence à écrire, et je crois que je ne comprenais pas encore que tout ne serait pas parfait dès le premier jet.

J’aimais déjà écrire, mais c’est quand est venue l’idée d’Averia que j’ai su que je tenais quelque chose de spécial, un projet qui me ferait vibrer pendant longtemps!
 
Raconte-nous un peu comment est née cette histoire.

Je crois que l’idée m’a attaqué! Elle m’a tendu une embuscade, au moment opportun, alors que je me rendais au travail un samedi matin. Dans ma voiture, j’écoutais une chanson des Cow-boys fringants, La tête haute, et ça a remué quelque chose dans mes tripes.
C’est Seki qui est venue en premier. Au départ, C’est le sentiment d’injustice qui s’est imposé. Je visualisais un personnage en colère, plongé malgré lui dans une situation inextricable. Le reste de l’intrigue s’est articulée autour de cette idée, autour de Seki qui devait trouver une solution à un conflit qu’elle n’avait jamais souhaité.
 
Averia comptera six tomes. Ton histoire est-elle construite jusqu’à la fin? Comment as-tu structuré tout cela? 

L’alternance n’était pas prévue au départ! C’est en 2010, alors que je terminais le premier jet de ce qui allait devenir le troisième tome, que j’ai imaginé le personnage d’Annika Aralia. Il me fallait un contrepoids, quelqu’un d’assez fort pour s’affirmer de l’autre côté de la médaille.
 
À l’origine, je comptais l’intégrer dans le tome suivant, mais, plus le personnage prenait d’ampleur, plus je réalisais que c’était injuste de confiner Annika a un simple rôle d’opposition. J’ai alors décidé de remodeler la série, de proposer une double histoire, deux arcs parallèles reliés par des passerelles, qui convergerait vers…

Oui, la fin est prévue, mais c’est un secret!
 
Où as-tu puisé ton inspiration pour ton récit? Es-tu amateur de science-fiction?

J’ai lu beaucoup de science-fiction lorsque j’étais plus jeune, mais, étonnamment, ma bibliothèque est pauvre en œuvres récentes du genre. J’avoue que je ne suis pas un amateur de science-fiction «pure et dure», où la technologie joue un rôle trop important. Je la trouve généralement aride… Je préfère explorer l’humain, ses faiblesses et ses épreuves.
 
Le personnage de Seki Jones m’a beaucoup fait penser à celui de Katniss Everdeen dans le troisième tome de Hunger Games, et le rôle de symbole de la révolution qu’on veut lui voir endosser. Avais-tu lu cette série avant de rédiger le premier tome d’Averia?

J’avoue avoir eu des sueurs froides en lisant les passages liés à la révolution dans le troisième tome de Hunger Games! À vrai dire, Averia 1 a été rédigé en 2009, et c’est une amie qui m’a initié par hasard à Katniss Everdeen, à l’hiver 2011 (elle m’avait suggéré la lecture de la série Ender’s Game, mais j’avais dû mal comprendre!). Je suis tout de suite tombé sous le charme. À mon avis, la force de caractère du personnage principal dans les premiers chapitres constitue la plus grande réussite de ce roman.

Heureusement, même si le thème du troisième tome fait écho à celui abordé dans Averia 1, je crois que je réussis à explorer une direction différente.
 
Ton récit alterne les points de vue narratifs de Seki et de Myr, sa jeune sœur. Qu’est-ce qui a motivé ce choix?

C’était nécessaire. Myr apporte un souffle indispensable au récit. Son point de vue permet de contrebalancer celui de Seki, de mettre en lumière le gouffre qui sépare les deux sœurs et d’éclairer sous une autre facette le conflit entre les Humains et les Tharisiens.
Je suis très heureux de ce choix, car, à plusieurs reprises, des lecteurs m’ont signifié que leur cœur balançait entre le pacifisme de Seki et l’envie de tout casser de Myr. C’est ce que je souhaitais, peindre une réalité compliquée, plutôt qu’un monde tranché entre le noir et blanc.
 
La question du racisme est omniprésente dans ton histoire, centrée sur le rapport conflictuel entre Hommes et Tharisiens. Est-ce que le désir de traiter ce thème t’a inspiré cette fiction entre Humains et extraterrestres, ou bien la tolérance et le racisme ont-ils surgi en cours d’écriture, sans que ce soit prévu?

Le thème n’était pas prévu, mais s’est imposé rapidement. En plus de ce que vivent Seki et Myr, j’ai beaucoup aimé explorer la question du racisme à travers les interventions de Charal et Jorulia, les journalistes de Tharisia Press. Je suis particulièrement fier du personnage de Jorulia Vassal, qui, chaque fois qu’on l’interroge sur les Humains, prend un air hébété et ne peut concevoir qu’on puisse s’intéresser à eux. Elle réussit toujours à détourner le sujet vers son propre peuple et finit par nous parler de la noble dynastie qui régnait autrefois sur les Tharisiens. C’est aussi ça, le racisme : l’indifférence, l’insouciance, le déni.
 
Désirais-tu lancer un message de tolérance et de non-violence, avec l’histoire de Seki? Ou est-ce simplement le point de vue d’un personnage?

Voilà une question qui me donne du fil à retordre! Je suis un peu la somme de tous mes personnages. Comme Seki, je suis de nature conciliante. Je recherche le compromis, la paix. Je déteste la violence physique, verbale, systémique… Mais, tout comme Myr, je vois rouge lorsque je suis témoin d’injustice, d’intimidation, d’oppression…

Je n’ai pas voulu lancer de message. Je désirais surtout explorer. Lancer mes personnages, aux vues diamétralement opposées, dans ce conflit et voir comment chacun réagirait face au climat de violence qui règne sur Averia.
 
Les Tharisiens, peuple extraterrestre, ressemblent au fond beaucoup aux Humains. Pour quelle(s) raison(s) les as-tu décrits ainsi?

Les différences culturelles seront plus apparentes dans le tome 2 et ceux qui suivent, mais c’est vrai que les Tharisiens nous ressemblent beaucoup dans ce premier volet. En rédigeant Seki, j’ai rapidement compris que les lecteurs détestaient instinctivement les Tharisiens. La plupart ont haï le personnage d’Haraldion, le politicien responsable de l’interrogatoire de Seki, jusqu’à ce que celui-ci révèle ses véritables motivations. Par réflexe, parce que les Tharisiens sont positionnés dès le début dans le rôle des oppresseurs, nous les prenons en grippe, même si plusieurs d’entre eux sont opposés à l’occupation. Si, en plus, j’avais appuyé sur les différences, si je les avais peints de façon à ce qu’ils nous paraissent totalement étrangers, j’aurais perdu cet aspect «et si Seki avait raison de s’opposer à la révolution?».
 
La conclusion de Seki est plutôt complète en soi, si ce n’est une ouverture sur la possibilité que surviennent d’autres événements en lien avec le conflit Humains-Tharisiens. Pourra-t-on lire chacun des tomes indépendamment les uns des autres, ou est-ce une série qu’il est préférable de lire dans l’ordre?

Il vaut mieux lire dans l’ordre! Il s’agit d’un grand arc. L’intérêt résidant dans les épreuves que les personnages doivent surmonter et dans les choix qui les déchirent. En lisant dans l’ordre, le lecteur est témoin de l’influence de Seki, Myr et Annika sur le conflit qui se développe, qui prend de l’ampleur à chaque tome.  
 
Rafale lecture!

Enfant, étais-tu un grand lecteur?

Oh oui! J’ai toujours aimé lire. Surtout lorsque j’ai pu troquer, vers 11 ans, les ennuyantes étagères de mon école pour les interminables rayons de la bibliothèque municipale!
 
Qui t’a donné le goût de lire?

Mes parents. Même si mon père ne lisait pas beaucoup, il s’est toujours assuré de me mettre un livre entre les mains lorsque je m’ennuyais. Une option moins bruyante que la télé pour tenir un jeune garçon en place!
 
Es-tu aujourd'hui un grand lecteur en général? Que lis-tu?

Avec l’écriture, hélas, j’ai de moins en moins de temps pour lire. Quand mes manuscrits avancent à mon goût, je me récompense en consacrant quelques heures à la lecture, sur mon divan préféré, avec juste ce qu’il faut de soleil. Si, en plus, j’ai pu mettre la main sur un bouquin d’Haruki Murakami… wow!
 
Quel mot décrit le mieux ta relation avec les livres?

Exploration. J’aime m’absorber dans ma lecture, m’en imprégner, me laisser guider par l’auteur dans son univers… mais j’aime aussi aller au-devant. Réfléchir sur les mots, deviner les contours, comprendre d’où vient l’idée derrière le roman.
 
Quel est ton livre préféré?

Les Chroniques de l’oiseau à ressort, d’Haruki Murakami. J’adore le style de cet auteur japonais. Certaines scènes de ce roman m’ont jeté par terre. Je pense, notamment, aux scènes où les soldats de l’armée nippone en Mandchourie sont mandatés par leur supérieur pour supprimer les animaux du zoo avant l’arrivée des troupes soviétiques…
 
Quel roman a marqué ton adolescence?

Les Camarades, d’Erich Maria Remarque. Le livre raconte l’histoire de jeunes Allemands pendant l’entre-deux guerre. L’auteur y décrit leur quotidien mouvementé au sein d’une société qui s’enflamme, en proie à l’inflation rampante et à la montée des extrémistes politiques. Ce roman m’avait foudroyé, à l’époque!
 
Quel est le livre sur ta table de chevet?

Transtaïga d’Ariane Gélinas. Une ambiance lourde, un style foisonnant, un mystère prenant… ce roman a tout pour me plaire!
 
Dans quel endroit préfères-tu lire?

Je suis capable de lire n’importe où, n’importe quand, mais mon endroit préféré reste sans contredit ma place au soleil, dans mon salon, avec mon chien (un affectueux chihuahua) blotti tout contre moi.
 
Si tu étais un livre, lequel serais-tu?

Les meilleurs romans que j’ai lus avaient des couvertures affreuses. Alors j’aimerais être le livre, usé, à la reliure brisée, qu’on ouvre par curiosité, sans attente. Le genre de bouquins qu’on commence sans savoir ce dont il s’agit, mais qu’on ne peut plus poser ensuite.
 
As-tu une suggestion pour ceux qui ont lu Averia?

Averia 2 ;)
Si vous ne l’avez pas lu encore, je vous suggère Hunger Games. Dans un registre plus fantastique, j’aime beaucoup la série Kiam Tasgall, de Nadine Bertholet.
Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
Parcourir les archives

Ajoutez votre voix à la conversation

Nouveau commentaire

(ne sera pas affiché)
Votre commentaire :

Ce site aime la langue française, merci de ne pas trop la maltraiter dans votre commentaire.
ANTI-SPAM : Combien font 2-1, écrit en lettres ?
Réponse : (indice : entrez un chiffre inférieur à deux)
• • • •