Entrevue avec Louis Delas, président de l'école des loisirs

 
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27 novembre 2015

Dans le cadre des cinquante ans de l’école des loisirs, Louis Delas, le président de cette maison d’édition pour laquelle le mot « maison » a un sens vraiment important, était présent au Salon du Livre de Montréal. C’est sur le chien saucisse qui servait de banc dans l’espace pour enfants du stand de l’école des loisirs que nous avons discuté de sa vision de la littérature jeunesse et des lecteurs, des plus petits aux adolescents.


 
Comment qualifieriez-vous la démarche de l’école des loisirs, son approche des lecteurs?

 

La démarche de l’école des loisirs est la même des nouveaux-nés aux grands ados. Notre projet, c’est l’accès pour les enfants, et les grands enfants, à la culture. Or, l’accès à la culture passe par la lecture. L’accès à la lecture permet aux enfants de se construire, de grandir et cela nous permet de les accompagner dans leurs réflexions personnelles, dans leurs questionnements. Pour nous, c’est le ciment de la démocratie. Après tout, entre lecteurs et électeurs, il n’y a jamais qu’une lettre de différence. Les barbares l’ont bien compris parce qu’ils interdisent les livres et la culture! C’est pour cela que notre travail dépasse largement le cadre d’une société commerciale qu’est une maison d’édition parce que c’est cette mission qui régit tout ce que l’on fait, tout ce qu’on publie.


Et la notion de plaisir?

 

Bien sûr. Si vous voulez, cette mission dépasse le cadre commercial, il doit y avoir du plaisir. Nos ouvrages doivent donc être séduisants, intéressants, et ils doivent s’adresser au public auquel ils s’adressent. Ça a l’air idiot de dire ça, mais beaucoup d’éditeurs ont une démarche où l’enfant lecteur n’est pas leur vraie cible. Ils cherchent une reconnaissance ailleurs.

Que cherchez-vous dans les livres que vous publiez, tant pour les enfants que pour les adolescents?

 

Deux choses. Simples à dire, mais difficiles à faire. Un, d’avoir le talent. Le métier de l’éditeur est d’identifier les auteurs de talent et de les accompagner, de les faire mûrir. Vous pouvez faire le meilleur marketing, à l’arrivée, c’est le talent de l’auteur qui compte. Ensuite, il doit y avoir une identification. Le lecteur doit pouvoir s’identifier aux personnages, se retrouver dans ces personnages qui partagent ses questionnements. Toutes les thématiques peuvent être abordées, mais avec talent.


L’école des loisirs est toutefois davantage portée vers le genre réaliste, non? Votre catalogue n’est pas riche en fantastique, science-fiction…

 

C’est vrai, mais ce n’est pas un parti pris. Demain, il y aurait un fantastique ouvrage de science-fiction dans lequel l’identification serait là, et nous le publierions. Il n’y a pas d’interdit. Dans la branche Rue de Sèvres, il y a d’ailleurs différents genres abordés.


Il y a dans Rue de Sèvres des adaptations de romans de l’école des loisirs, avec Malika Ferdhjouk, Suzie Morgenstern, Marie Desplechin, mais aussi des œuvres originales, comme le Château des étoiles, ou encore des adaptations de classique, comme le Horla de Maupassant.


Lire la bande dessinée peut donner envie de découvrir le roman!


Oui, c’est une autre façon de faire lire, et peu importe l’ordre d'ailleurs, puisqu’on pourrait imaginer faire des versions « romans » à partir de bandes dessinées. En fait, tout ce qui amène à la lecture, tout ce qui amène vers l’univers d’un auteur, est complémentaire dans la démarche, est important.


Par ailleurs, Rue de Sèvres a été une façon d’ancrer encore davantage notre « maison », de laisser notre empreinte dans le sol puisque c’est la rue où est située l’école des loisirs.


Ce terme de « maison » est très important pour vous.


Oui. D’abord parce que nous sommes une entreprise familiale, ensuite parce qu’on veut créer un endroit stable, sécuritaire, où les auteurs se sentent accueillis.


On est dans un métier en pleine mutation, mais il y a un certain nombre de clés incontournables pour y survivre. La première est la liberté, l’indépendance, et ça passe par la maison de la famille. Les auteurs sont dans la création, dans la remise en question permanente. Il faut qu’ils puissent se raccrocher à une organisation stable, solide, qu’ils sachent qui dirige la maison, vers qui se tourner s’ils ont un problème. Il faut que cette maison soit stable puisqu’ils sont eux-mêmes en instabilité.


La deuxième clé est d’avoir un cap éditorial et de s’y tenir, d’être intransigeant sur la qualité. Cela est difficile parce qu’on crée des liens d’amitié avec des auteurs et qu’au final parfois il faut leur dire non, mais nous sommes aussi conscients que la production d’un auteur n’est pas linéaire.


La troisième clé est d’avoir un contact très proche, très fort avec les libraires, parce qu’au final il faut quand même que le livre se vende et que ça passe par eux. Nous leur offrons une grande proximité et nous pensons que l’éditeur doit les soutenir par des remises, des animations. L’édition a une dimension artisanale, c’est un métier dans lequel le lien humain est très important.

Par ailleurs, on doit aussi être près des médiateurs, enseignants, bibliothécaires, animateurs, parce que l’enfant doit avoir accès au livre et que cela se fait beaucoup grâce à eux.


Que pensez-vous de la place des réseaux sociaux?


Pour nous, les premiers médiateurs, ce sont les prescripteurs, les enseignants, les bibliothécaires, mais on est aussi tout à fait conscient de l’importance des nouveaux médias. Ce dont on s’est rendu compte à l’occasion de ce 50e anniversaire, c’est qu’il y a plusieurs grandes communautés de l’école des loisirs, très fidèles et passionnées, mais que ces communautés ne communiquaient pas tellement entre elles. Du coup, on a développé les réseaux sociaux pour leur permettre de créer ces liens et de grandir encore.


Et vous, Louis Delas, quel type d’adolescent étiez-vous?


Moi, j’ai eu la chance de naitre dans l’école des loisirs. La maison a été créée en 1965 et mon père, directeur éditorial, testait sur moi les albums. J’ai été le premier lecteur de Les trois brigands, je suis un pur produit de l’école des loisirs. À l’adolescence, j’avais une ouverture d’esprit grâce à cet environnement.


Qu’aimiez-vous lire à l’adolescence?


Un des livres qui m’a le plus marqué, c’est Barjavel. Mais j’ai fait la bêtise de le relire et ça a mal vieilli, je n’ai pas eu la même réaction, c’est décevant. Le temps des gitans est aussi un film que j’ai adoré, mais j’hésite à le revoir parce que si ça fait comme Barjavel…


Les coups de cœur de Sophie à l’école des loisirs:

Quatre soeurs

Une bouteille dans la mer de Gaza

3000 façons de dire Je t'aime

Garçons sans noms

La pyramide des besoins humains

Comme un feu furieux

 

 

À noter, le très chouette Un dîner avec Cary Grant est finaliste au Prix des libraires jeunesse 2016!

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